Les droits de douane de Trump sont jugés illégaux

2 septembre 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : President Donald Trump displays a chart with reciprocal tariffs during a 'Liberation Day' event in the Rose Garden at the White House on April 2, 2025 in Washington, D.C. Today?s tariffs are just the most recent moves that President Trump has taken in this new trade war since returning to the White House less that three months ago. (Photo by Samuel Corum/Sipa USA)/60532918//2504022250

Abonnement Conflits

Les droits de douane de Trump sont jugés illégaux

par

Une partie des droits de douane imposés par Donald Trump jugés illégaux par une cour d’appel américaine. Une décision rendue le vendredi 29 août dernier par une cour d’appel américaine (U.S. Court of Appeals for the Federal Circuit in Washington, D.C.) a confirmé une décision de première instance selon laquelle une partie des droits de douane imposés par Donal Trump l’ont été illégalement.

Conformément à l’arrêt de la cour d’appel, ces derniers resteront en vigueur jusqu’au 14 octobre prochain afin de permettre à l’administration de faire appel et ainsi de porter l’affaire devant la Cour Suprême.

Les droits de douane en question sont ceux fixés par Donald Trump dès son retour à la Maison-Blanche à l’encontre de pays en particulier comme le Mexique, le Canada et la Chine ainsi que les fameux « reciprocal tariffs » imposés à la plupart des partenaires commerciaux des États-Unis à l’occasion du Liberation Day, le 2 avril dernier. Les droits visant des secteurs précis comme celui de l’automobile, de l’acier ou de l’aluminium ne sont pas concernés par cette décision.

Que dit la cour d’appel ?

L’arrêt de la cour d’appel vient confirmer une précédente décision rendue le 28 mai 2025 par la Court of International Trade selon laquelle les droits de douane décidés par l’administration Trump seraient illégaux au motif que le Président ne dispose pas d’une autorité illimitée pour imposer de telles mesures à la quasi-totalité des importations. Le gouvernement estime au contraire que l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) de 1977 l’y autorise. Conformément à cette loi, le Président américain peut prendre de nombreuses mesures économiques afin de contrer « toute menace extraordinaire, dont la source se situe en tout ou partie en dehors des États-Unis, à la sécurité nationale, la politique étrangère ou l’économie », et notamment « réguler » les importations.

L’administration considère qu’un déficit commercial « important et persistant »[1] avec d’autres pays ou les manquements imputés à certains pays dans le cadre de la lutte contre le trafic de fentanyl constituent des menaces au titre de l’IEEPA et justifient la fixation des droits de douane. Par 7 voix contre 4, la cour d’appel a néanmoins estimé que « l’IEEPA n’utilise pas le terme de « droits de douane », ni aucun terme similaire comme « impôt » ou « taxe » » et en déduit qu’il « semble peu vraisemblable que le Congrès, en adoptant l’IEEPA, ait eu l’intention de renoncer à ses pratiques en octroyant au président une autorité illimitée en matière de droits de douane ».

Des divergences d’interprétation

Les quatre juges dissidents, dont Richard G. Taranto, nommé par Barack Obama, estiment cependant que l’IEEPA, en ce qu’il octroie au président le pouvoir de « réguler » les importations dans une situation d’urgence, doit être interprété largement et inclure les droits de douane. La majorité retient toutefois que « les droits de douane sont des impôts » et que « le pouvoir de réguler a toujours été considéré comme distinct du pouvoir fixer des impôts »[2]. La majorité rappelle ainsi que le pouvoir d’instaurer des droits de douane est conféré par la Constitution au Congrès.

Si le texte de 1977 ne mentionne pas les termes de « droits de douane », certains spécialistes avancent que la loi précédente, le Trading with the Enemy Act, avait été utilisée par Richard Nixon pour imposer de telles mesures[3]. Celles-ci étaient cependant plus modestes que celles mises en place par Donald Trump, la cour d’appel soulignant à ce titre leur « ampleur ». La Cour Suprême considère par ailleurs, en vertu de la doctrine des « major questions », que toute délégation de pouvoir du Congrès à l’exécutif, dans l’hypothèse où le pouvoir en question a un impact significatif sur l’économie, doit avoir été décidée sans la moindre ambiguïté. Ces éléments laissent donc présager que la Cour Suprême pourrait valider la décision du 29 août dernier. Cela ne signifierait pas pour autant la fin des droits de douane.

Quel serait l’impact d’une confirmation de la décision par la Cour Suprême ?

Interrogé par le New York Times, un spécialiste du commerce international estime que l’intérêt « fondamental » de la décision de la cour d’appel « est de rappeler à tous que le pouvoir de fixer des droits de douane a été conféré au Congrès par la Constitution », avant d’ajouter « le Président peut faire beaucoup de choses en matière de commerce »[4]. Le Président peut tout d’abord demander au Congrès de valider les droits de douane, mais également avoir recours à d’autres outils législatifs.

L’article 232 du Trade Expansion Act de 1962 permet par exemple au Président d’imposer des droits de douane dès lors que les importations concernées « menacent de porter atteinte » à la sécurité nationale[5]. C’est précisément sur ces dispositions que reposent les droits de douane visant les automobiles, l’acier, l’aluminium ou encore les bulldozers étrangers. L’article 122 du Trade Act de 1974 autorise quant à lui le Président à fixer des droits de douane à hauteur de 15% pour une durée maximum de 150 jours. L’article 301 de ce texte prévoit également la possibilité pour le Président de fixer des droits de douane en cas de pratiques commerciales déloyales, à condition de diligenter des consultations et une enquête préalables.

Ces alternatives atténuent la portée d’une éventuelle décision défavorable de la Cour Suprême et permettent de mieux comprendre l’optimisme du locataire de la Maison-Blanche. Après avoir pris connaissance du verdict de la cour d’appel, Donald Trump s’exprimait en ces termes : « Aujourd’hui, une Cour d’Appel Hautement Partisane (Highly Partisan Appeals Court) a déclaré à tort que nos droits de douane devaient être retirés, mais ils savent que les États-Unis d’Amérique gagneront à la fin »[6].

[1] https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/2025/04/regulating-imports-with-a-reciprocal-tariff-to-rectify-trade-practices-that-contribute-to-large-and-persistent-annual-united-states-goods-trade-deficits/

[2] https://www.wsj.com/opinion/trump-isnt-a-tariff-king-252f89aa?mod=hp_opin_pos_1

[3] https://www.nationalreview.com/corner/what-to-make-of-appeals-courts-invalidation-of-trump-tariffs/

[4] https://www.nytimes.com/2025/08/29/business/economy/trump-tariffs-appeals-court.html?searchResultPosition=2

[5] https://www.congress.gov/crs-product/IF13006

[6] https://www.bbc.com/news/articles/ckgj7jxkq58o

Mots-clefs : ,

Vous venez de lire un article en accès libre

La Revue Conflits ne vit que par ses lecteurs. Pour nous soutenir, achetez la Revue Conflits en kiosque ou abonnez-vous !
À propos de l’auteur
Revue Conflits

Revue Conflits

Fondée en 2014, Conflits est devenue la principale revue francophone de géopolitique. Elle publie sur tous les supports (magazine, web, podcast, vidéos) et regroupe les auteurs de l'école de géopolitique réaliste et pragmatique.

Voir aussi

Îles Cook : à la conquête des fonds sous-marins

Les îles Cook déploient une technologie d’avant-garde pour exploiter les minerais des fonds sous-marins. Des résultats prometteurs pour un développement industriel Les îles Cook, un archipel du Pacifique Sud composé de 15 îles dispersées sur près de 2 millions de km² d’océan, se...

Gaz et Gaza : une architecture énergétique à l’épreuve du 7 octobre

Au cœur des recompositions énergétiques en Méditerranée orientale, le gaz naturel est devenu pour Israël un amortisseur stratégique, créant des interdépendances régionales avec l’Égypte et la Jordanie. L’accord d’août 2025 avec Le Caire confirme que cette architecture énergétique...