Les Oiseaux : la dernière « histoire apocalyptique » d’Alfred Hitchcock

22 janvier 2022

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Les Oiseaux : la dernière « histoire apocalyptique » d’Alfred Hitchcock. C : Unsplash
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Les Oiseaux : la dernière « histoire apocalyptique » d’Alfred Hitchcock

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Une « histoire apocalyptique[1] » : Ed McBain, le scénariste des Oiseaux, a tout compris. Une petite aventure à l’eau de rose qui se transforme peu à peu en épouvantable cauchemar. Un mauvais rêve qui tient le spectateur en haleine jusqu’à la fin. Miss Melanie Daniels, héroïne hitchcockienne typique, une riche et belle jeune femme de San Francisco, rencontre par hasard Mitchell Brenner dans une oisellerie. Sous un prétexte quelconque, elle le rejoint dans son petit village côtier de Bodrega Bay, en Californie. Commence alors pour les habitants et les protagonistes une effrayante tragédie : des attaques répétées de foules d’oiseaux qui provoquent la peur de plus en plus incontrôlée des personnages. Ce sont tantôt des nuées de corneilles qui se jettent sur les élèves de la petite école, ou bien une avalanche de moineaux qui s’engouffre dans la cheminée et envahit le salon.

Ainsi, tous comme les malheureux habitants, le spectateur est plongé dans cette ambiance criarde et angoissante dès le début du film. Les cris d’oiseaux qui remplacent souvent la musique ajoutent une note à ce « meurtre silencieux[2] ». Les beaux décors portuaires, la mise en valeur de la petite place traditionnelle avec son restaurant et sa pompe à essence, accentuent de manière plus manifeste encore l’aspect terrifiant de l’histoire.

D’ailleurs, la conclusion ne vient pas calmer cette anxiété, car il n’y a pas de conclusion. En effet, Hitchcock a refusé que le mystère des oiseaux soit élucidé. Il veut laisser libre cours aux interprétations de chacun pour permettre au mystère inquiétant de planer plus longtemps, pour permettre à la peur d’être attaqué sans raison de se prolonger. D’où l’absence du mot « fin » dans le générique. Et c’est cela qui installe le suspense et qui provoque l’horreur du film : imaginer ce qui va se passer plus que constater les faits.

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Après Psychose, les risques d’un film d’auteur

Le défi pour « Hitch » est de réussir à détrôner Psychose… Et cela n’est pas une mince affaire. Avec Les Oiseaux sortis en 1963, il signe son quarante-huitième et dernier long-métrage. Une fois de plus, il s’inspire du roman éponyme de la romancière britannique Daphné du Maurier, comme il l’avait fait pour La Taverne de la Jamaïque en 1939 et Rebeccaen 1940. Une autre source d’inspiration est aussi un fait divers du 18 août 1961 : une attaque d’oiseaux sur une ville de Californie, Santa Cruz, où le réalisateur possédait lui-même un ranch.

Il se risque alors à choisir pour le rôle principal une illustre inconnue : l’ancien mannequin Tippi Hedren qui interprète Melanie. Malgré un succès commercial relatif, Les Oiseaux lancent la carrière de Tippi Hedren. Celle-ci devient bientôt une figure iconique du cinéma hitchcockien, allant jusqu’à concurrencer Grace Kelly elle-même. De son côté, Lydia Brenner (Jessica Tandy), la mère dépressive et possessive de Mitch (Rod Taylor), reste fidèle au répertoire de Hitchcock. Les spectateurs reconnaissent bien là sa marque de fabrique. De ce fait, l’attaque des oiseaux a pu être interprétée comme la haine de Lydia pour la femme qui lui « vole » son fils.

Les oiseaux, on s’en doute, ont constitué la plus grosse part du budget du film ; entre l’élevage de milliers de goélands, de corbeaux, de corneilles et de moineaux, et les effets spéciaux. Jamais Hitchcock n’avait autant misé sur les effets spéciaux, consacrant jusqu’à trois jours complets pour une scène de quelques secondes seulement, ce qui est énorme pour l’époque.

On remarque aussi l’attention particulière apportée au décor. Un décor tantôt peint, tantôt réel, où la moindre vacillation d’un brin d’herbe joue en faveur de l’atmosphère si particulière du film. « Hitch » a aussi pris soin d’habiller ses personnages avec grande précision, tant sur le maquillage ou la coiffure que sur les tenues. On retrouve le tailleur vert typique des héroïnes hitchcockiennes. Et une autre habitude tacite du réalisateur : apparaître dans ses films, comme Charlie Chaplin le faisait dans L’Opinion publique. C’est ainsi qu’on le voit sortir de l’oisellerie au tout début, accompagné de ses deux petits chiens.

Deux heures d’un film angoissant interdit aux moins de 12 ans, voilà qui parachève décemment la carrière d’Alfred Hitchcock.

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[1]All about the Birds, Evan Hunter alias Ed McBain

[2]Alfred Hitchcock

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