L’Organisation internationale de médiation (OIMed) [1], récemment inaugurée à Hong Kong, représente une initiative stratégique majeure de la Chine visant à remodeler les mécanismes de résolution des différends internationaux.
Lors de la cérémonie de signature, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré : « La naissance de l’OIMed contribuera à surmonter la mentalité du « gagner ou perdre » à somme nulle, à promouvoir la résolution à l’amiable des conflits internationaux et à construire des relations plus harmonieuses entre les États[2]. »
Une nouvelle institution multilatérale
L’OIMed constitue une tentative de créer une institution multilatérale non occidentale dans le domaine de la justice internationale. Cela s’inscrit dans une stratégie plus large de construction d’un ordre juridique international, moins axé sur les litiges et plus sur la médiation, en contraste avec l’approche juridico-contentieuse occidentale[3].
L’OIMed vise à servir principalement les pays en développement, notamment en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. Cela permet à la Chine de se positionner comme un médiateur global et un fournisseur de biens publics internationaux, au même titre que les Nations Unies ou la Cour internationale de justice, mais avec ses propres normes et pratiques.
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En instaurant un cadre de règlement des différends hors des institutions occidentales (comme la CCI ou la CIJ), OIMed offre une alternative crédible aux pays du Sud global.
L’établissement de l’OIMed marque également une volonté de définir les nouveaux standards juridiques et diplomatiques, et d’exporter ces normes via des mécanismes multilatéraux où le Sud global joue un rôle central.
Membres fondateurs : un ancrage dans le Sud global
L’OIMed a été officiellement établie le 30 mai 2025 à Hong Kong, avec la participation de plus de 30 pays[4]. Parmi les signataires figurent : Asie : Chine, Pakistan, Indonésie, Laos, Cambodge, Europe de l’Est : Biélorussie, Serbie, Amérique latine et Caraïbes : Cuba, Afrique : Bénin, Congo et autres pays africains ont également manifesté leur soutien, bien que la liste complète ne soit pas encore publiée.
Cette composition reflète une volonté de la Chine de renforcer son influence auprès des pays du Sud global, en leur offrant une alternative aux institutions juridiques dominées par l’Occident.
Types de différends pouvant être traités par l’OIMed
L’OIMed est conçue pour gérer une variété de différends internationaux, notamment :
- Conflits interétatiques : Différends entre États souverains, par exemple pour aider à résoudre les conflits entre l’Egypte et le Soudan[5] ou à développer la coopération au Moyen Orient[6].
- Litiges entre un État et des ressortissants étrangers : Par exemple, des différends entre un gouvernement et des investisseurs ou entreprises d’un autre pays.
- Conflits commerciaux internationaux : Litiges entre entreprises de différentes nations.
La médiation, en tant que méthode de résolution des conflits, est privilégiée pour sa flexibilité, sa confidentialité et sa capacité à préserver les relations entre les parties, contrairement aux procédures judiciaires ou arbitrales plus formelles.
Hong Kong : un choix stratégique pour le siège
Le siège de l’OIMed est situé dans l’ancien poste de police de Wan Chai à Hong Kong. Ce choix est stratégique pour plusieurs raisons.
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Hong Kong combine le droit civil chinois et la common law britannique, offrant un environnement juridique unique et attractif pour la résolution des différends internationaux. La ville est déjà reconnue comme un centre majeur d’arbitrage et de services juridiques en Asie. Située au carrefour de l’Asie, Hong Kong est idéalement placée pour servir les pays de la région et au-delà, comme un nœud régional de diplomatie et d’arbitrage.
Perspectives et enjeux
L’OIMed ambitionne de devenir une alternative crédible aux institutions telles que la Cour internationale de justice ou la Cour permanente d’arbitrage.
La réussite de l’OIMed dépendra de sa capacité à être perçue comme un organisme impartial, surtout dans les cas impliquant des intérêts chinois. La Chine a déjà joué le rôle de médiateur lors de plusieurs initiatives de rapprochement au Moyen-Orient, notamment en négociant le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran.
Il reste à voir si des nations occidentales rejoindront l’organisation ou reconnaîtront ses décisions. La manière dont l’OIMed collaborera ou entrera en concurrence avec les institutions existantes influencerait son impact global.
Impact sur les mécanismes juridiques internationaux existants
L’OIMed n’entre pas directement en concurrence avec les juridictions internationales comme la CIJ (Cour internationale de justice) ou le CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements), car elle ne rend pas de jugements contraignants.
Toutefois, elle concurrence les forums d’arbitrage commercial, comme le SIAC (Singapore International Arbitration Centre) et le LCIA (London Court of International Arbitration)
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L’OIMed pourrait introduire des normes et procédures alternatives, mettant l’accent sur la médiation informelle, la non-confrontation et le respect mutuel, en ligne avec les valeurs diplomatiques chinoises.
Si elle réussit, elle réduira la dépendance des pays du Sud à l’égard des juridictions occidentales, modifiant ainsi l’équilibre normatif global.
Conclusion : vers un ordre juridique multipolaire ?
L’OIMed pourrait renforcer le « soft power » de la Chine en fournissant des biens publics internationaux dans le domaine du droit, à l’instar des puissances occidentales.
Si l’OIMed gagne en crédibilité et attire un nombre significatif de cas et de membres, elle pourrait devenir un pilier d’un nouvel ordre juridique.
Son avenir dépendra de sa transparence procédurale, de la qualité de ses médiateurs et de sa capacité à résoudre équitablement des différends sensibles.
[1] La cérémonie de signature de la Convention portant création de l’Organisation internationale pour la Médiation se déroule avec succès à Hong Kong, 2025-05-30 (https://www.mfa.gov.cn/fra/zxxx/202506/t20250601_11638479.html)
[2] La Chine défie l’Occident avec une nouvelle organisation de médiation, à laquelle 30 pays adhèrent, Gazeta Express, 30/05/2025.
[3] Farah Master, La Chine inaugure un organe international de médiation à Hong Kong, Les Echos, le 30 mai 2025
[4] La cérémonie de signature de la Convention portant création de l’Organisation internationale pour la Médiation se déroule avec succès à Hong Kong, 2025-05-30 (https://www.mfa.gov.cn/fra/zxxx/202506/t20250601_11638479.html)
[5] Cf. Robert Bociaga, La Chine peut-elle contribuer à mettre fin aux combats au Soudan?, ArabNews, le 07 mai 2023.
[6] Cf. Alex Wang, La Chine joue au go au Moyen-Orient, Revue Conflits, le 1 mars 2022.