<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Pétrole et économie : les conséquences de l’attaque d’Israël

13 juin 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Raffinerie de pétrole dans la région d'Aspropyrgos, dans la banlieue de la capitale grecque. Crédits : Dimitris Aspiotis/Shutterstock

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Pétrole et économie : les conséquences de l’attaque d’Israël

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Israël a mené des frappes préventives contre l’Iran, ciblant des installations nucléaires et des sites stratégiques, dans une rupture avec les échanges précédents qui étaient principalement des représailles limitées. Ces actions visent à affaiblir concrètement le programme nucléaire iranien et marquent potentiellement le début d’une campagne militaire prolongée, ayant des conséquences directes sur la hausse des prix du pétrole.

Un article de Tom Holland paru sur le site de Gavekal. Traduction de Conflits.

Tout espoir de voir le prix du baril de pétrole descendre sous la barre des 60 dollars cette année doit désormais être abandonné. Les attaques menées vendredi matin par Israël contre l’Iran, qui visaient des installations nucléaires, des sites de missiles et des hauts responsables, marquent une rupture nette avec les précédents échanges entre les deux puissances du Moyen-Orient.

Les frappes et contre-frappes lancées en avril et octobre 2024 avaient été présentées par chaque camp comme des représailles justifiées, limitées dans leur portée et visant principalement à dissuader et à désamorcer la tension. Les frappes menées vendredi par Israël étaient agressives et préventives. Leur objectif n’était pas d’envoyer un message, mais de dégrader concrètement le programme nucléaire iranien dans ce qui pourrait bien être le début d’une campagne prolongée.

Le pétrole s’envole

La réaction immédiate des marchés a vu les contrats à terme sur le Brent pour le mois prochain passer d’environ 70,00 dollars le baril à 78,50 dollars, avant de redescendre sous les 76 dollars. L’or a dépassé les 4 440 dollars l’once et les contrats à terme sur les actions américaines ont été vendus. Cependant, le dollar américain, qui constitue traditionnellement une valeur refuge en période de tensions géopolitiques accrues, ne s’est que légèrement raffermi, l’indice DXY n’augmentant que de 0,6 % par rapport au plus bas niveau atteint jeudi depuis trois ans.

La violence de la réaction du marché pétrolier, qui contraste avec ses réactions relativement modérées aux actions de l’année dernière, est compréhensible. Bien que très inquiétantes, les frappes de 2024 se sont déroulées dans un cadre tacitement reconnu de règles d’engagement. Par exemple, après l’assassinat par Israël du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah en septembre 2024 et le lancement d’opérations terrestres israéliennes au Liban, l’Iran a tiré deux salves de missiles sur des cibles stratégiques en Israël. En réponse, Israël a mené des raids aériens contre des sites militaires iraniens dans le cadre d’une approche que l’on pourrait qualifier d’« escalade pour désescalader ». L’honneur a été considéré comme sauvé et il n’y a pas eu d’autres échanges.

Cette fois-ci, c’était différent. L’action d’Israël ne s’inscrivait pas dans un processus de riposte. Elle n’a pas été menée avec l’aide des États-Unis, comme l’ont clairement indiqué les commentaires du secrétaire d’État Marco Rubio. Et elle n’a offert aux dirigeants iraniens aucune issue claire pour éviter une escalade incontrôlée des hostilités.

Au contraire, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a promis que les attaques se poursuivraient afin de perturber les programmes nucléaires et balistiques de l’Iran et d’empêcher ce pays de développer des armes nucléaires déployables.

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran dispose désormais de plus de 400 kg d’uranium enrichi à 60 % en U-235. Une telle quantité de matière hautement enrichie n’a d’autre utilité que de servir de précurseur à l’uranium encore plus enrichi nécessaire à la fabrication d’armes nucléaires sophistiquées. Jeudi, l’Iran a déclaré qu’il allait intensifier son programme d’enrichissement, avec des centrifugeuses plus perfectionnées dans une nouvelle installation située « dans un endroit sûr ».

Empêcher le programme iranien ?

On peut se demander dans quelle mesure Israël parviendra à atteindre son objectif, qui est de gravement compromettre le programme nucléaire iranien, surtout sans l’aide active des États-Unis. Les installations d’enrichissement iraniennes sont situées profondément sous terre, dans des sites protégés qui constitueraient un défi même pour les armes conventionnelles les plus puissantes des États-Unis. Mais comme l’ont démontré les assassinats ciblés perpétrés par Israël, les hauts responsables du programme sont plus vulnérables.

Il est clair que l’action d’Israël aura un coût élevé, tant pour Israël lui-même que pour le reste du monde. Le guide suprême iranien, Ali Khamenei, a juré de se venger, et selon certaines informations, l’Iran aurait déjà lancé des frappes de drones contre Israël. Les négociations entre les États-Unis et l’Iran visant à conclure un accord sur le nucléaire, qui devaient reprendre ce dimanche à Oman, sont désormais compromises. Et les chances d’une reprise rapide du trafic maritime occidental dans le sud de la mer Rouge, sous la menace des armes des Houthis, alliés de l’Iran, sont désormais nulles.

Pour les entreprises et les investisseurs, la conséquence immédiate de l’action d’Israël sera une augmentation de la prime de risque géopolitique sur les marchés financiers, en particulier sur les marchés de l’énergie. Le prix du pétrole avait déjà rebondi après avoir atteint des niveaux inférieurs à 60 dollars le baril immédiatement après l’annonce par Donald Trump, le 2 avril, de la « journée de libération » et de la mise en place de droits de douane réciproques. Au cours du mois dernier, les espoirs d’une prolongation de la trêve tarifaire et le répit pour la croissance économique qui en a résulté ont soutenu les prix, malgré l’annonce d’une augmentation significative de la production par le cartel de l’OPEP+.

Désormais, avec la possibilité d’un renforcement des sanctions contre l’Iran en cas d’échec irrémédiable des négociations entre les États-Unis et l’Iran, ainsi que le risque que les infrastructures d’exportation d’énergie en Iran et dans d’autres pays de la région soient prises pour cible dans le cadre d’un conflit prolongé, la couverture contre toute nouvelle flambée soutiendra en soi les prix.

Dans un contexte de renforcement des anticipations de croissance mondiale grâce à l’apaisement des craintes tarifaires, de probabilité d’un arrêt de la hausse de l’offre par l’OPEP+ après juillet et de ralentissement de l’offre des producteurs américains (l’Energy Information Administration du gouvernement américain prévoit une baisse de la production américaine par rapport à son niveau actuel jusqu’en 2026), les prix du pétrole devraient rester bien soutenus. Il n’y aura pas de retour à un prix du pétrole inférieur à 60 dollars le baril à court terme, le Brent devant s’établir en moyenne entre 67,50 et 70 dollars le baril au second semestre 2025.

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