<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Taxe foncière : la nécessité d’une réforme

7 novembre 2023

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Taxe foncière : la nécessité d’une réforme

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La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a tôt fait de mettre en lumière les failles de l’économie foncière en France.

Article paru dans le numéro 48 de novembre 2023 – Espagne. Fractures politiques, guerre des mémoires, renouveau de la puissance.

Premier impôt du secteur communal en volume (près de 23 milliards d’euros en 2018, contre 19 Mds € pour la taxe sur le foncier bâti) dû pour tous les locaux meublés affectés à l’habitation, la taxe d’habitation était certes devenue un impôt obsolète (en raison du calcul de ses bases) et complexe (en raison d’un régime combiné de taux locaux et de prises en charge totales ou partielles par l’État). Malgré ses défauts, la taxe d’habitation avait néanmoins un mérite civique : maintenir pour la très grande majorité des habitants un lien entre fiscalité locale et niveau de services collectifs mis à leur disposition, conférant du même coup une autonomie responsable aux élus locaux.

Définitive à compter de 2023, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales aboutit à ce que seuls les propriétaires de biens d’habitation et de biens professionnels acquitteront désormais les deux taxes foncières (sur les propriétés bâties, d’une part, et non bâties, d’autre part) et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Les locataires continueront certes de payer une taxe d’habitation sur les résidences secondaires, mais le nombre de contribuables concernés demeure par essence très limité.

L’une des conséquences les plus malfaisantes de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales réside dans le relâchement presque total du lien démocratiquement vertueux entre contribuables-citoyens et élus locaux. Dorénavant, les impôts directs locaux seront acquittés par les résidents secondaires, qui pour la plupart ne sont pas électeurs (et qui, en tout état de cause, sont réputés consommer en plus faible quantité les services publics locaux), et par les propriétaires, qui ne sont pas toujours électeurs de la collectivité dans laquelle leur propriété est implantée.

L’exclusion des locataires de la population des contribuables au titre de la taxe foncière se traduit mécaniquement par une concentration de la charge fiscale sur les seuls contribuables propriétaires. Cette distorsion dans la répartition du poids de l’impôt est encore accentuée par l’envolée spectaculaire de la taxe foncière (+ 25 % en moyenne au cours de la période 2011-2021[1]). Tendance nettement haussière appelée à se poursuivre. Sa mobilisation est d’autant plus tentante que la taxe sur le foncier bâti demeure le dernier levier fiscal significatif à la main des communes (près de 34 Md€ perçus en 2022), lorsque les finances de celles-ci sont mal gérées…

En 2023, l’augmentation de la taxe foncière aura ainsi été au minimum de 7,1 % du fait de la revalorisation forfaitaire des bases locatives cadastrales, qui suit l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé de novembre à novembre. Et à l’effet de l’inflation a pu venir s’ajouter, dans les communes qui en auront fait le choix par facilité, l’effet de l’augmentation du taux d’imposition voté par la collectivité. Pour ne prendre que l’exemple de Paris, où la gabegie est sans limite, la taxe foncière aura explosé de plus de 60 % par rapport à 2022.

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Démocratiquement, une dilution des bénéfices de la dépense publique locale sur l’ensemble des électeurs associée à une concentration de la charge fiscale sur une fraction de contribuables plus ou moins importante (et potentiellement minoritaire dans certaines grandes villes dominées par la proportion de locataires) n’est pas sans conséquences. La bonne tenue des comptes publics, et par voie de conséquence de l’économie tout entière, est impossible quand prospère, chez les gouvernants comme chez une large part des gouvernés, un sentiment d’irresponsabilité générale.

Des voies d’amélioration existent. On pourrait imaginer une réforme « à l’autrichienne[2] ». En Autriche, l’assiette foncière de l’impôt local est calculée à partir de la valeur vénale du bien, plus simple et plus facilement compréhensible pour le contribuable que la valeur locative. Surtout, l’impôt peut être répercuté contractuellement sur le locataire lorsque le bien est loué, ce qui permet de sensibiliser les locataires aux choix de politiques budgétaire et fiscale locales, autrement dit de garantir le lien civique entre les résidents usagers des services publics locaux et leurs élus.

[1] Il s’agit cependant d’une moyenne. Dans le cas extrême d’une commune comme Tavaco (Corse-du-Sud), la flambée a par exemple été supérieure à 223 % !

[2] C’est le sens d’une réforme d’ensemble que préconise l’auteur de ces lignes dans le cadre d’une note à paraître pour le compte de l’organe de réflexion Génération libre.

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À propos de l’auteur
Victor Fouquet

Victor Fouquet

Doctorant en droit fiscal. Chargé d’enseignement à Paris I Panthéon-Sorbonne. Il travaille sur la fiscalité et les politiques fiscales en France et en Europe.
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