<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Une bonne nouvelle sur l’écoterrorisme

2 mars 2023

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Une bonne nouvelle sur l’écoterrorisme

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La nouvelle dont il sera question ici ne concerne pas les informations qui nous parviennent à propos des actions de la frange radicale de l’environnementalisme politique. Car c’est plutôt à un genre littéraire caractérisé par des récits courts qui relèvent plus ou moins de la fiction qu’appartient le remarquable texte de Philippe Ségur dont on recommande vivement la lecture. En effet, en moins de 60 pages, l’auteur de La nuit nous sauvera[1] réussit à la fois à construire une narration qui combine l’exposé d’un attentat écoterroriste de grande envergure (le sabotage d’une centrale nucléaire et ses prolongements et conséquences) et les étapes majeures du parcours intellectuel et social qui conduit l’acteur principal (ici le narrateur) à commettre cette action.

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Avec la liberté que permet la fiction, mais aussi à partir d’une vraie information sur le sujet, ce dont témoigne la brève postface, Philippe Ségur nous offre une introduction bienvenue sur la question de l’écoterrorisme. Et la parution de ce texte est très opportune, car alors que les preuves de la dangerosité croissante de la frange radicale de l’environnementalisme politique s’accumulent, un déficit programmé des connaissances se manifeste au sein des terrorism studies. En effet, au cours des dernières années, ce courant anglo-américain dominant au sein de la recherche a été vivement incité à déplacer son attention de l’islamisme djihadiste vers la présumée menace en provenance de « l’extrême droite ». Il en est résulté une sorte d’angle mort concernant l’extrême gauche « écologiste », notamment fondé sur des considérations qui relèvent presque exclusivement de la strate définitionnelle polémique du terrorisme[2].

Certes, un texte littéraire n’a pas vocation à combler ces lacunes de la recherche spécialisée. En revanche, il peut susciter une salutaire réflexion sur une série de points importants. Ainsi, l’hypothèse de base de la nouvelle, suivant laquelle une fraction des membres des franges les plus radicales de l’environnementalisme peut être conduite à s’infiltrer dans les centres névralgiques du dispositif technologique avec l’intention de les saboter, n’est pas absurde. De même, la nouvelle rend remarquablement compte de la logique des interactions entre une nébuleuse de militants anarcho-gauchistes (style black blocs, par exemple) et « écolos » pratiquant une sorte de résistance sans leaders, et des réseaux physiques plus ou moins vulnérables de production et distribution de biens essentiels. Et ici, le choix de l’électricité est évidemment tout à fait pertinent.

Les courts chapitres qui retracent le parcours du narrateur/acteur sont également instructifs et correspondent, schématiquement, à l’état des connaissances sur cette mouvance. En particulier, on retiendra la description de son glissement progressif vers l’illégalisme, qui évoque des dérives similaires du mouvement anarchiste vers la fin du xixesiècle, c’est-à-dire au moment où le terrorisme fait véritablement son apparition. De même, l’évocation des références idéologiques de l’environnementalisme radical sera très utile pour ceux qui découvrent (enfin) le sujet. Ainsi, l’auteur mentionne notamment, à juste titre, le manifeste de l’Unabomber (Theodore Kaczynski), vrai « loup solitaire » auteur d’une série d’attentats à la bombe (trois morts) aux États-Unis entre 1978 et 1995. Ce document, largement disponible sur internet, a exercé une influence qui commence seulement à être étudiée[3]. Ces raisons, et quelques autres dont on laisse au lecteur la découverte, font qu’il est salutaire et urgent de lire ce petit livre.

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[1] Philippe Ségur, La nuit nous sauvera, Buchet-Chastel, 2022.

[2] Sur les trois strates ou pôles (polémique, juridique et scientifique) de la définition du terrorisme, voir notamment : Daniel Dory, Jean-Baptiste Noé (Dirs.), Le Complexe Terroriste, VA Éditions, 2022.

[3] Voir notamment : Brett A. Barnett, « 20 Years Later : A Look Back at the Unabomber Manifesto », Perspectives on Terrorism, vol. 9, no 6, 2015, 60-71.

À propos de l’auteur
Daniel Dory

Daniel Dory

Daniel Dory. Chercheur et consultant en analyse géopolitique du terrorisme. A notamment été Maître de Conférences HDR à l’Université de La Rochelle et vice-ministre à l’aménagement du territoire du gouvernement bolivien. Membre du Comité Scientifique de Conflits.
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