Algérie, penseurs militaires français, histoire politique, Val-de-Loire, Chine et Etats-Unis. Aperçu des livres de la semaine
De tous les penseurs de la guerre, le plus connu est sans doute le prussien Karl von Clausewitz. Mais existe-t-il une école française de la pensée militaire ? C’est justement l’objet de cette anthologie, qui rassemble les plus grands penseurs militaires français, de Brantôme à de Gaulle, en passant par Vauban et Bonaparte, et jusqu’aux « généraux de l’apocalypse » qui ont conçu la stratégie nucléaire française. Quelle est l’influence de la géographie française sur cette pensée, quelle est celle de son histoire centralisatrice, de son héritage cartésien ? Plus que des stratèges, ce sont des penseurs que l’on découvre, au fil des siècles et de l’histoire de France. Fruit d’une vingtaine d’années de travaux et de recherches, cet impressionnant recueil semble incontournable pour comprendre la spécificité de la pensée militaire française.
Baptiste Roger-Lacan, Le roi – Une autre histoire de la droite, Passés composés, 23€
Depuis la mort de Louis XVI, les Français sont orphelins d’un roi. Cependant la monarchie est toujours bien présente dans l’imaginaire des Français, réveillé par Bonaparte et de Gaulle. En analysant la persistance de la contre-révolution après 1870 et même 1945, l’auteur raconte une autre histoire de la droite française, nourrie de la nostalgie d’Ancien régime. En 1954, René Rémond théorisait le célèbre concept des trois droites : légitimiste (contre-révolutionnaire), orléaniste (libérale) et bonapartiste (césarienne). Ici, toutes les droites sont concernées dans cette enquête tirée d’un travail doctoral, qui soutient qu’elles ne cessent de mobiliser l’imaginaire contre-révolutionnaire et la figure du roi. Macron le disait en 2015 : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. » Un spectre qui ne cesse de hanter la droite et les Français.
Jean Vassort, L’Arrière-cour du pouvoir, Armand Colin, 23,90€
De la même manière que les Papes ont un temps résidé à Avignon, les rois de France ont établi leur demeure en val de Loire, entre 1418 et 1528. Depuis la fuite du dauphin et futur Charles VII vers Bourges, dans une nuit de mai 1418, jusqu’au retour à Paris décrété par François Ier, cinq rois se sont succédé sur les bords de la Loire. L’auteur l’histoire de cette arrière-cour du pouvoir et le destin de la région qui, bien avant la Renaissance, était déjà le centre névralgique de la France, si bien qu’on envisageât Orléans comme capitale au XIe siècle. On se souvient du caractère décisif de la libération d’Orléans par Jeanne d’Arc en 1429. À l’aide de cartes qui aident à comprendre la géographie des lieux, l’auteur décrit le rôle stratégique de la région, au bord du grand fleuve, tout au long de l’histoire. Il évoque enfin son rayonnement artistique dont témoigne son patrimoine architectural unique. Un ouvrage qui permet de comprendre le rôle stratégique du val de Loire dans la construction du pays.
Kevin Rudd, Chine États-Unis – Cette guerre qu’on peut encore éviter, Odile Jacob, 27,90€
Cette traduction de l’anglais d’un ouvrage publié en 2022 donne à lire l’analyse de Kevin Rudd, ancien premier ministre australien, sur le conflit sino-américain. Fin connaisseur des deux grandes puissances, il fait état de la relation instable et conflictuelle des deux pays, qui repose sur une faille sismique : incompréhension culturelle, griefs historiques et incompatibilité idéologique. Il redoute plus que tout que cela conduise à une guerre apocalyptique, peut-être mondiale, dont le risque s’accroît de jour en jour. Il espère par ce livre démystifier les préjugés des deux parties en les mettant au grand jour. Pour lui, la guerre est évitable, si ces deux géants acceptent de coexister, sans trahir leurs intérêts fondamentaux. En démentant le piège de Thucydide, il propose une « concurrence stratégique aménagée », que Kissinger lui-même trouve constructive dans la stabilisation des relations bilatérales entre les deux puissances mondiales.
Bernard Lugan, Histoire des Algéries – Des origines à nos jours, Ellipses, 26€
Loin du récit national algérien, cet ouvrage souhaite rendre compte de la pluralité de ce qui fait l’Algérie, baptisée ainsi par la France en 1839, dans des frontières qu’elle lui a données, et qui sont celles de l’État que l’on connaît depuis 1962. L’histoire officielle algérienne, en effet, est une histoire fabriquée. Décrétant l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation, l’arabité du pays qui nie sa composante berbère, et la lutte univoque contre le colonisateur, elle oublie sa pluralité géographique, historique, ethnique et linguistique. Dans un ouvrage aux cartes riches et détaillées, l’auteur revient sur l’histoire réelle des Algéries, des origines à nos jours.