Fondée par la France, l’église Notre-Dame-de-l’Heure de Mossoul est le symbole des présences multiples en Irak. Et son horloge, un des symboles des souffrances de la ville.
Mossoul, aussi appelée « Ninive » à l’époque biblique, est la deuxième ville d’Irak. Située sur les rives du fleuve Tigre, elle est un véritable carrefour civilisationnel et religieux où ont cohabité, plus ou moins paisiblement, les différentes communautés du Livre pendant plusieurs siècles. La conquête de la ville en juin 2014, déclarée dans la foulée comme capitale de son califat, par l’organisation État islamique (EI), a engendré un exode massif des populations chrétiennes et la destruction de leurs lieux de culte. Les 14 édifices de la vieille ville, appartenant à des communautés chrétiennes diverses, ont été détruits ou en partie endommagés au cours des trois années d’occupation de la ville par l’EI.
L’église Notre-Dame-de-l’Heure est d’abord fondée sous forme de couvent, et édifiée entre 1866 et 1873 par les moines dominicains de la Province de France. Elle figure comme le seul édifice de l’Église latine à Mossoul. Elle se distingue notamment par la construction de son clocher, le premier sur le sol irakien. Celui-ci se pare rapidement d’une horloge, offerte par l’impératrice Eugénie en 1881, la première en Mésopotamie. Ce don permet de faire briller l’horlogerie française, et plus particulièrement jurassienne, jusqu’au Moyen-Orient. À savoir que ce clocher échappe de peu à la destruction, tandis qu’une partie de l’église est endommagée au cours de la seconde bataille de Mossoul (2016-2017) lors de laquelle l’armée irakienne reprend le contrôle de la ville.
L’horloge, entièrement mécanique, à quatre cadrans, mesurant environ 2,26 mètres de long et 1,78 mètre de haut sur son socle, est un ouvrage monumental tout à fait représentatif du style de la maison Collin-Wagner. Fondée à Paris en 1790 par J. Bernard Henri Wagner, cette maison de fabrication d’horloge d’édifice se distingue en quelques décennies comme une entreprise incontournable dans son domaine. « Le nom de Wagner est à la grosse horlogerie ce que les noms de Berthoud, de Breguet sont à l’horlogerie de précision », aurait déclaré le rapporteur de l’exposition des produits de l’industrie française en 1844, après que l’entreprise soit à nouveau primée. Celle-ci est renommée « Collin-Wagner » après sa cession à Armand-François Collin en 1852, qui contribue à perpétuer la renommée de cette maison horlogère.
Récompensée au cours de plusieurs expositions universelles entre 1855 et 1878, la maison Collin-Wagner vient successivement embellir de ses horloges plusieurs édifices parisiens, tels que les églises Saint-Germain-l’Auxerrois, la Sainte-Trinité ou encore la basilique Sainte-Clotilde, mais également les mairies du IVe, XIe et XIIe arrondissements. La consécration a lieu en 1867, lorsque la maison Collin-Wagner installe une horloge à trois corps de rouages sur la cathédrale Notre-Dame de Paris. Celle-ci partira en fumée lors de l’incendie de la Dame de Pierre le 15 avril 2019.
L’horloge en question est construite à Foncine-le-Haut, dans les ateliers jurassiens d’Armand François Collin. Ce dernier avait choisi le haut Jura afin de délocaliser une partie de sa production, dans le but de profiter de l’abondance de la main-d’œuvre locale qui bénéficiait d’une bonne réputation dans le milieu de l’horlogerie.
Notre-Dame de l’Heure est en cours de reconstruction, sous la bannière du projet de l’UNESCO baptisé « Faire revivre l’esprit de Mossoul ». Les travailleurs du chantier sont pour la plupart musulmans, mais c’est un moine dominicain français, le frère Olivier, qui assure la supervision des travaux.
Comme pour accompagner la résurrection de la ville meurtrie, le son des cloches résonne à nouveau dans Mossoul. Et malgré la désertion de la population chrétienne, un petit morceau d’artisanat français continue d’indiquer l’heure, faisant fi de la religion de chacun.