Nouvelle histoire de la France. Un livre de réconciliation

2 octobre 2025

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Nouvelle histoire de la France. Un livre de réconciliation

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Comment continuer à écrire sur l’histoire de France alors que tout a déjà été dit, que de nombreuses histoires ont déjà été publiées et que l’idée même d’une histoire de France est contestée par certains ? C’est le pari très réussi d’une centaine d’historiens, réunis sous la houlette d’Éric Anceau.

Sous la direction d’Éric Anceau, Nouvelle histoire de la France, Passés Composés, 2025, 36 €. 

Écrire une histoire de France est un passage obligé, une figure imposée pour tout historien. Je dois reconnaître qu’à l’annonce de la parution de cette « Nouvelle histoire de la France », m’a première réaction fut « Encore… ». Que dire de plus par rapport à tout ce qui a déjà été dit, qu’elle approche nouvelle apporter une fois que l’historiographie a suivi différentes modes, de l’histoire bataille à l’histoire politique, de l’histoire sociale à l’histoire culturelle et même jusqu’à la non-histoire, celle de la déconstruction, certains considérant que l’histoire de France n’existe pas. Rien de plus politique que ces sujets historiques. C’est là que les différentes histoires de France se distinguent : dans l’approche, l’angle choisi, la problématique suivie.

Une approche globale

Cette histoire « de la France » innove par son approche globale que permet la mobilisation de cent historiens, dont la plupart sont installés et figurent parmi les pontes d’une profession qui n’aime rien tant que sombrer dans la jalousie et la rancœur. Ce n’est donc pas la moindre des prouesses que de parvenir à réunir les meilleurs d’entre eux au sein d’un ouvrage collectif où chacun peut apporter les mises à jour les plus récentes. Mais le risque d’un livre à plusieurs, outre la difficulté extrême pour le coordinateur de récupérer tous les textes à temps, est d’accoucher d’un squelette démembré où chaque texte est une pièce rapportée aux autres. La première grande réussite de cet ouvrage est d’avoir évité cet écueil. Chaque chapitre s’intègre parfaitement dans le plan d’ensemble et répond aux enjeux de la ligne choisie pour l’ouvrage. Éric Anceau est parvenu à composer un ensemble à la fois gigantesque, vaste et clair, alchimie entre la cathédrale et le jardin à la française. C’est le premier grand mérite de cette Nouvelle histoire de France.

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Le second repose sur le plan choisi, thématico-chronologique. L’histoire de France, en effet, ne se limite pas à la politique et aux batailles. Elle s’écrit aussi dans l’histoire économique, sociale, culturelle. Elle se manifeste dans son architecture, ses jardins, sa littérature, sa gastronomie. C’est une histoire de France globale, complète, que livrent ici les auteurs. En somme, une véritable histoire « de la France », dans tout ce qui fait les spécificités et les caractéristiques de notre pays.

Un plan qui permet la globalité

La première partie est ainsi consacrée aux régimes, qui furent nombreux en France, et à la violence, dont la politique est coutumière. Des royaumes francs à aujourd’hui, en passant par les Croisades, les Capétiens, les révolutions et les guerres. On pourra regretter que l’histoire depuis 1789 occupe l’essentiel de la partie, avec une place, trop modeste à notre goût, pour l’époque moderne et le Moyen-Âge. Mais c’est ainsi, l’histoire plus ancienne a toujours tendance à finir écrasée sous le poids du présent. Était-il nécessaire pour autant de consacrer trois chapitres à la Seconde Guerre mondiale, dont un aux collaborations et un aux résistances ? Cette période de l’histoire, qui n’a duré que cinq années, et qui s’est déroulée il y a 80 ans, semble focaliser l’essentiel de la recherche historique. Le rapport compulsif à Pétain et à Vichy, qui s’est emparé de la recherche, relève davantage de la psychiatrie que de la science historique. Dans un nombre de pages restreint, il eut mieux valu développer les XVIe et XVIIIe siècles, ou la période carolingienne. Mais c’est l’un des rares reproches que l’on puisse faire à l’ouvrage, par ailleurs excellent.

Écrire l’histoire de la France dans sa globalité

La seconde partie, intitulée « Politiques et spiritualités », traite des pensées et de l’esprit qui ont façonné la France. Elle s’ouvre judicieusement sur un chapitre consacré à l’État, tant il est vrai que le culte de l’État est, depuis 1789, la véritable religion des Français. D’autres chapitres sont consacrés à Versailles, à la diplomatie, aux fastes, ce qui est bien analyser la pluralité de la France et ce qui contribue à son rayonnement mondial.

La troisième partie « Espaces et sociétés », est peut-être la plus novatrice. C’est à la fois celle qui est indispensable dans une histoire de France et celle qui est pourtant presque toujours omise. Ainsi des chapitres consacrés aux villes, à la forêt, à la mer et aux littoraux, aux provinces et aux frontières, à la France dans le monde et aux différentes régions où la France s’est déployée. C’est en cela que cet ouvrage n’est pas une histoire « de France », mais bien une histoire « de la France » car il ne se limite au territoire France, mais étudie toutes les facettes de la France et tous les domaines mondiaux où la France est intervenue.

Dans une quatrième et dernière partie intitulée « Patrimoines et identités », les auteurs étudient ce qui fait l’âme de la France et son aura à l’étranger. Avec des chapitres consacrés au cinéma, aux musées, à la mode et aux loisirs, au sport, aux paysages et à la gastronomie. Ce chapitre démontre une nouvelle fois que l’histoire de France s’écrit aussi dans sa géographie, et qu’une histoire se manifeste toujours dans des lieux et des espaces donnés.

Ouvrage de réconciliation

C’est un ouvrage complet, dont l’un des grands mérites est de ne pas céder au jargon et d’être par conséquent accessible à tous. Une histoire de la France que chaque Français peut s’approprier et faire sienne, pour redécouvrir et aimer davantage son pays. La multiplicité des auteurs permet d’aborder des thèmes qu’un auteur seul ne pourrait pas réaliser. L’ouvrage, dans son approche, n’est pas sans rappeler le travail effectué par Pierre Nora et ses équipes dans Les Lieux de mémoire, (1984-1992) qui sont une autre forme d’histoire de la France. Chaque génération à ses thèmes, ses marottes, ses visions et ses interprétations. L’histoire de France est si riche qu’elle peut s’adapter à toutes les époques et correspondre à de nombreux regards.

Une histoire de France doit servir à réconcilier les Français

Mais la principale qualité de cet ouvrage, important et essentiel, est d’offrir une réconciliation. L’histoire de France est marquée par de nombreuses violences, ruptures et guerres civiles, qui ont divisé les populations et créé des fractures dont beaucoup perdurent. Le but d’une histoire de France est de pouvoir réunir toutes les France dans un objet commun de connaissance, afin de permettre une vie commune au sein d’un même pays. Écrire une histoire de France pour diviser, voire pour nier l’existence même de la France, s’est poursuivre le travail de sape, de divisions et de haines. Ici, les auteurs présentent une œuvre de réconciliation, où chacun pourra retrouver ce qu’il est et aussi ce que sont les autres Français, qui peuvent être d’autres obédiences politiques et spirituelles. Une œuvre de réconciliation absolument indispensable si l’on veut que perdure la France et son histoire.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Ircom. Rédacteur en chef de Conflits.

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