<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Les commandos parachutistes : indispensable troupe d’élite

21 octobre 2020

Temps de lecture : 7 minutes
Photo : Commando marines en Afghanistan en 2011 (c) Revue Conflits 0687447939-TGY 105
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Les commandos parachutistes : indispensable troupe d’élite

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Les commandos parachutistes de l’air sont les descendants des premiers parachutistes français au sein de groupements d’infanterie de l’air (GIA) créés dans l’armée de l’air en 1937 sur la base des premières expériences soviétiques. Les parachutistes restent dans l’armée de l’air jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis l’armée de terre les récupère en 1945. L’armée de l’air avait alors dans sa main le 1er RCP (formé en Tunisie en 1943), les 2e et 3e RCP initiés eux au sein de la France Libre, et formés par le Special Air Service britannique (ils portaient les dénominations de 4SAS et 3SAS). Ce sont eux qui sont largués sur la Bretagne dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 : ils y fixent 150 000 Allemands qui auraient pu changer la donne en Normandie. D’autres unités avec capacité parachutiste totale ou partielle ont aussi été formées durant la guerre : le 1er bataillon de choc et le commando d’Afrique (initiés en Afrique du Nord) et le commando de l’aéronavale (l’ancêtre du commando Hubert actuel).

Ce n’est qu’en 1956 qu’un général de l’armée de l’air crée des commandos parachutistes de l’air (CPA) pour la durée de la guerre d’Algérie. Déjà, en Indochine, l’armée de l’air a commencé à mesurer le potentiel de l’hélicoptère pour larguer des parachutistes de l’armée de terre. Elle mesure donc tout l’apport de ce type de combattants dans un conflit asymétrique. C’est une sorte d’adaptation des GIA de 1937 qui est formée. Certes, il n’y a pas d’intégration des commandos et aéronefs au sein d’une même unité, mais les uns et les autres, fidélisés, savent tirer l’essence de l’autre. C’est aussi le cas avec les chasseurs qui peuvent être mobilisés pour soutenir les troupes au sol.

Formés par les unités parachutistes de l’armée de terre, notamment les 1er REP et 2e REP, ils démontrent l’utilité de cette capacité singulière qui peut être héliportée ou aérolarguée. L’engagement de certaines unités CPA dans le putsch d’Alger (1961) amène à leur dissolution, sauf le CPA50 qui était alors en mission de sécurisation du champ de tir de Colomb-Béchar, au Sahara. C’est par cette unité, qui perdure après la guerre d’Algérie, que la mémoire des CPA perdure, via les instructeurs notamment. L’escadron de protection et d’intervention (EPI) qui lui succède est notamment engagé en Mauritanie, dans l’opération Lamentin, en 1977, avec le 13e régiment de dragons parachutistes (RDP). Les commandos de l’EPI sont chargés d’aller récupérer d’éventuels pilotes de Jaguar éjectés, missions qui préfigurent leur future mission de recherche et sauvetage de combat (Resco).

Un regain avec la guerre du Golfe

C’est la guerre du Golfe, où l’EPI est envoyé pour la protection des aéronefs, qui relance l’intérêt pour des commandos à part entière dans l’armée de l’air. Le général de l’armée de terre Maurice Le Page est chargé d’identifier des unités pour le nouveau commandement des opérations spéciales (COS) dont il a la charge. Il est impressionné par ce qu’il voit à Nîmes, alors base de l’EPI. Ses discussions avec les cadres vont le convaincre de l’intérêt d’avoir dans sa main une unité des commandos parachutistes de l’air, marquée par la troisième dimension et baignant dans le milieu aéronautique. Une des composantes, le CPA 10, est retenue pour armer le COS. Elle attire les meilleurs personnels du CPA40, et assure sa première mission COS en 1994 au Rwanda aux côtés des commandos marine et de ceux du 1er RPIMa. Le fossé est alors saillant entre l’unité de l’armée de l’air, essentiellement utilisée à la protection plus qu’à l’intervention, et les unités d’élite de la marine et de l’armée de terre, mieux équipées et sélectionnées.

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Sans complexe et avec sobriété, ces pionniers vont travailler d’arrache-pied pour monter en gamme. La cellule 12 est particulièrement en pointe sur la chute opérationnelle, un mode d’insertion qui permet d’arriver discrètement sur un objectif. Deux sous-officiers de la cellule 11 se chargent de développer les modes d’action en contre-terrorisme et libération d’otages. La cellule 13 développe les modes d’action motorisés, et assure une bonne partie des entrées en premier sur les théâtres dans les années 2000. L’unité fonde aussi et surtout ses missions-reine, sa légitimité, dans l’action aéroterrestre. Elle développe la capacité de guidage aérien et les modes de renseignement à fins d’action (RFA) qui la précède. Le CPA10 formalise aussi la reprise et l’exploitation de plates-formes aéronautiques, essentiel pour une entrée en premier. On lui doit les modes d’action pour préparer les posés d’avion de transport et d’assaut (ATA) sur terrain sommaire. Les procédures permettent de poser l’ATA sur une plage, sur de la latérite africaine ou encore sur une bande bétonnée de longueur suffisante.

L’art du posé d’avion

Ces modes d’action peu pratiqués dans le monde permettent des arrivées dans des zones assez improbables, notamment en Afrique, contribuant à un effet de surprise manifeste. Grâce à leur capacité d’insertion à haute altitude, les commandos peuvent arriver sans être détectés, préparer le terrain sommaire, le sécuriser, et permettre l’arrivée du gros des forces. Le CPA 10 s’est aussi spécialisé dans les actions indirectes, sans tirer le moindre coup de feu. Ces actions changeront régulièrement de nom en recouvrant des réalités à géométrie variable : élément de liaison et de contact (ELC) à leurs débuts en Bosnie, modelage d’environnement, actions psychologiques, influence, etc. Elles sont essentielles aux guerres hybrides aujourd’hui qui mêlent actions cinétiques et non cinétiques. Comme c’était le cas avec les CPA d’Algérie, il n’y pas de modèle unique de spécialités au CPA 10. Certains commandos étaient auparavant mécaniciens, transmetteurs et même des administratifs. Une part non négligeable du personnel entrant arrive désormais aussi en ligne droite de l’armée de terre. Ces personnels sont à la fois séduits par le type de missions, les moyens matériels et le mode de commandement qu’ils ont la plupart du temps sous leurs yeux en opérations extérieures.

En ce sens, les commandos déployés sont les meilleurs ambassadeurs de leurs unités.

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Car au CPA10 se sont ajoutés, dans les années 1990, deux autres unités, le CPA 20 et le CPA 30, qui ont suivi une évolution entrelacée. Le CPA 30 est devenu une unité spécialisée dans la RESCO (recherche et sauvetage au combat), tout en fournissant des groupes spécialisés pour les missions d’appui aérien au sol (TACP). Le CPA 20 a lui aussi développé ses TACP, tout en assurant, comme le CPA 30, des renforts de protection au sol pour les avions déployés en zone de guerre. En 2018, les groupes spécialisés des deux unités ont été fondus au sein du CPA 30, à Orléans, tandis que les capacités de protection migraient vers le CPA 20, à Orange.

Les unités aujourd’hui

Depuis 1993, le CPA 10 est intégré au COS dont il est un élément reconnu. Il est déployé sur les deux théâtres d’opérations principaux, au Levant avec la task force Hydra et au Sahel avec la task force Sabre. Il fournit à chacun un groupe action (GRA) d’une dizaine d’hommes ainsi que des éléments de commandement appelés CELMO (cellule de mise en œuvre). Chaque GRA comporte un binôme cynotechnique, domaine dans lequel le CPA 10 est également en pointe. Le CPA 10 est amené aussi à assurer des commandements de task force et contribue également à l’armement des postes de commandement de task force (CJSOTF). Son format est à 250 personnels et 10 GRA. Il assure lui-même la formation de ses personnels et son propre soutien. Il est installé sur la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy, où est également cantonné l’escadron de transport 3/61 Poitou, lui aussi intégré au COS dès 1993. La proximité permet des entraînements très réguliers entre les deux unités. Le niveau en parachutisme s’en ressent, mais aussi dans la mécanisation des posés sommaires, des débarquements de véhicules 4×4 des soutes des ATA du Poitou, etc. Ces deux unités travaillent en totale symbiose. En matière d’entraînement, le CPA 10 dispose de son propre simulateur de guidage aérien, permettant à sa vingtaine de JTAC (Joint terminal attack controller) de rester aguerris.

L’unité est un puits d’innovations technologiques, particulièrement dans les domaines de l’intégration aéroterrestre, du renseignement, des drones. Deux modèles originaux ont déjà été réalisés en interne, permettant de potentiellement réaliser des économies (de temps et d’argent) dans le soutien de ces auxiliaires incontournables des opérations. Ses anciens opérateurs ont aussi été à l’origine d’innovations qui servent depuis à plusieurs unités du COS. Plusieurs de ses opérateurs ont été tués à l’entraînement, et trois ont perdu la vie en opération (Afghanistan pour l’un, et au Sahel pour deux autres). Son objectif est de monter à 12 GRA et 15 binômes cynotechniques. Huit de ces GRA devront avoir la capacité de chute opérationnelle, dont trois sous oxygène.

Le CPA 30 regroupe 180 personnels et 8 GRA. Deux de ses équipes ont une capacité de chute opérationnelle et il dispose lui aussi de maîtres-chiens. Depuis 2018, il monte en puissance sur la capacité de mise en œuvre de microdrones et de nanodrones. Il a été référencé par le COS comme unité spéciale en juillet 2019. Il prend des marqueurs spécifiques dans l’appui, entendu au sens large. Il va reprendre la capacité minidrones (Skylark, et dans le futur, Puma) du CPA10, et apportera aussi l’appui feu, avec des mortiers de 81 mm, capacité lacunaire au CPA 10. Ce dernier conservera ses missiles MMP, qui seront aussi, a priori, attribués au CPA 30. Enfin, le CPA 30 devrait intégrer un panel de compétences liées à l’armement des postes de commandement.

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Ainsi, d’ici deux ans, le CPA10 se recentrera sur la mission d’intervention pure, en l’élargissant à des milieux extrêmes que sont la jungle et la montagne. Tandis que le CPA 30 apportera un spectre étendu d’appuis. Y compris dans les champs immatériels. Si le CPA 30 conserve la capacité d’appui aérien, il va, dans les faits, la transférer au CPA20 qui lui aussi étendra son domaine d’action. D’ici 2022, c’est donc le CPA 20, qui détient environ 400 opérateurs, qui assurera l’appui aérien pour les groupements tactiques interarmes (GTIA) de l’armée de terre, comme c’est le cas actuellement pour l’opération Barkhane, au Sahel. Le CPA 30 déploie en croisière deux TACP et deux contrôleurs tactiques Air (CTA), équipe de conseil logée auprès du commandant du GTIA, en général un colonel. Ce mandat consomme en permanence une vingtaine de personnels, dont quatre JTAC.

S’adapter aux risques actuels

Actuellement, la quasi-totalité de ses missions concerne la « force protection », la protection des bases aériennes projetées (BAP) de Jordanie et de Niamey. Cette mission consomme plusieurs dizaines de personnels. Selon le niveau d’exposition au risque d’attaques, terroristes ou conventionnelles, le niveau de protection est adapté. Il comporte, basiquement, un réseau de capteurs relié à un centre d’opérations tactiques (TOC) et des patrouilles à pied et motorisées. L’emploi de microdrones monte en puissance pour assurer des patrouilles de routine et des levées de doute (sur alerte). Selon les sites, la part du CPA 20 dans le détachement de protection peut fortement varier. Il peut en représenter la majorité, ou seulement une portion. Dans ce deuxième cas, ce sont les fusiliers commandos de l’air, issus des escadrons de protection (EP) des bases aériennes en France, qui fournissent l’effectif. L’équipement de ces derniers monte en puissance également puisqu’ils vont recevoir dans l’année des fusils d’assaut HK416F et des microdrones. Les EP et le CPA 30 disposent également d’équipes cynotechniques. L’existence de vases communicants entre ces différentes unités est un facteur d’efficacité quand les effectifs de la base sont au rendez-vous. Mais les très grosses ponctions budgétaires réalisées dans les effectifs des EP dans la première moitié des années 2010 ont singulièrement fragilisé ceux des CPA.

Dans les faits, un civil peut désormais postuler directement à un CPA, en posant une candidature dans un centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA). C’est également possible, on l’a vu, pour les civils de la défense et militaires des autres armées. Conséquence de l’évolution des études et du monde du travail, les unités reçoivent aussi des candidats disposant d’un bagage initial de plus en plus élevé. Jeunes actifs ayant déjà travaillé dans le privé, jeunes diplômés, ces candidats intéressent aussi les unités, car certains matériels à manier sont de plus en plus complexes et nécessitent en tout cas une certaine agilité, tout en demandant toujours un sens de la débrouille. Car en tout cas pour le CPA 10, et potentiellement du CPA 30, le mode d’action majoritaire reste celui de l’équipe isolée.

À propos de l’auteur
Jean-Marc Tanguy

Jean-Marc Tanguy

Journaliste défense, auteur de Commandos parachutistes de l’air, entre ciel et terre, Pierre de Taillac, 2016.
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