Livre – Dictionnaire amoureux de la diplomatie

24 décembre 2019

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Le Président Macron lors de la Conférence des ambassadeurs le 27 août 2019, Auteurs : HAMILTON-POOL/SIPA, Numéro de reportage : 00921055_000053.

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Livre – Dictionnaire amoureux de la diplomatie

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La négociation entre les Etats constitue, plus qu’un moyen de garantir la stabilité dans les relations internationales, un art pour conserver des liens et entretenir des relations. Le XXIe siècle, époque aux multiples rebondissements, confirme l’idée selon laquelle la diplomatie reste un outil de première importance pour les grands de ce monde.  L’auteur nous décrit, de A à Z, les différents aspects de cette noble discipline multiséculaire et, qui plus est, ô combien actuelle. 

Le grand public connaît mal les arcanes de la diplomatie. Pourtant à l’heure d’Internet, du mobile, des tweets et réseaux sociaux, celle-ci garde toute son utilité car elle repose non seulement sur des traditions et un authentique savoir-faire, mais elle fait appel à une gamme variée de qualités humaines, linguistiques, culturelles et professionnelles qui en rendent l’exercice souvent difficile, voire dangereux dans des milieux hostiles. En dépit d’une large couverture médiatique, d’articles, de mémoires, l’opinion connaît souvent mal en particulier le rôle de ceux qui la mettent en œuvre au quotidien : les diplomates, car la presse braque justement ses projecteurs sur les grands de ce monde. Les préjugés ont la vie dure, les interrogations sont récurrentes et parfois teintées d’ironie. Les images, les clichés, les préjugés se superposent : le cynisme de Talleyrand, l’art de l’esquive et du non-dit, la tasse de thé de l’ambassadeur, les réceptions dans de belles résidences, Monsieur de Norpois, cocktails, ronds de jambe et autres mondanités, jugés d’un autre temps. Bref un monde à part, vivant dans l’entre soi, superficiel, et surtout de moins en moins utile puisque chefs d’État et ministres se téléphonent en permanence, se rencontrent de plus en plus fréquemment. Que l’on en juge, il a fallu attendre dix ans après la signature du Traité de Rome pour que se tienne le premier sommet des chefs d’État de la CEE, devenue l‘UE. Aux débuts de la coopération franco-allemande, le président français et le chancelier allemand se rencontraient deux fois par an, aujourd’hui au moins une fois par mois ;

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Daniel Jouanneau, ancien élève de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’École nationale d’Administration, a servi – comme il est usage de dire – au « Département », auquel il consacre, cela va de soi, une longue entrée comme attaché de presse au Caire, consul général à Salisbury puis chargé d’affaires au Zimbabwe, chef de la mission de coopération en Guinée, consul général à Québec, ambassadeur au Mozambique, au Liban, au Canada et au Pakistan. À Paris, il a suivi pendant dix ans les affaires européennes. Nommé chef du Protocole par François Mitterrand, il a été confirmé dans ses fonctions par Jacques Chirac. Il a dirigé l’Inspection générale des Affaires étrangères. Les questions internationales intéressent beaucoup, les médias consacrent à la politique étrangère la place qu’elle mérite, les think tanks, centres d’études, revues, blogs, se multiplient, témoignant de la vitalité de la discipline. Encore qu’il ne faille pas confondre diplomatie et relations internationales et encore moins diplomatie et géopolitique. La diplomatie met en œuvre la politique étrangère.

Léon Noël, ambassadeur de France en Pologne en 1939, écrivait : « La politique extérieure est l’art de diriger les relations d’un Etat avec les autres États. Ce sont surtout les principes, les tendances générales, les objectifs essentiels de l’action d’un État hors de ses frontières. La diplomatie elle, est l’art d’assurer l’exécution et, s’il est possible, l’heureuse réalisation du programme ainsi tracé, son application méthodique et quotidienne ».

Il est indubitable que la diplomatie est un vrai métier, un métier de professionnels, un métier d’action exercé par des hommes et des femmes fiers de servir l’État, passionnés et engagés. Leurs missions sont multiples.

Tant qu’il y aura des États, ils auront besoin de diplomates pour les aider à décrypter un monde de plus en plus complexe, à anticiper autant que possible les conséquences de telle ou telle évolution.

Chaque année, le nombre, la qualité et la motivation des candidats aux différents concours d’entrée au Quai d’Orsay, qui sont particulièrement sélectifs, prouvent que l’attrait de ce métier est intact. À travers les grands personnages qui ont marqué l’histoire de la politique étrangère – pas seulement la nôtre – et par une présentation des lieux et des moyens de la diplomatie d’aujourd’hui, ce livre présente les différentes facettes de ce beau et vieux métier. De Kofi Annan, septième Secrétaire Général de l’ONU, le premier à sortir des rangs du personnel de l’organisation et le second, après Dag Hammarskjöld, à recevoir le prix Nobel de la paix à Vergennes, l’avant-dernier ministre des Affaires étrangères de l’Ancien régime, la galerie des « grands diplomates » ou « responsables des Affaires étrangères » est combien riche : Otto von Bismarck, Aristide Briand, François de Callières, Maurice Couve de Murville, André François-Poncet, Andreï Gromyko, Henry Kissinger, Alexis Léger (Saint- John Perse), Machiavel, Mazarin, Metternich, Talleyrand. Parmi eux, les diplomates-écrivains occupent une place éminente : Beaumarchais, Chateaubriand, Claudel, Lamartine, Stendhal, Tocqueville.

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Pourtant, Daniel Jouanneau ne s’en tient pas, loin de là, à la seule évocation de ces illustres ancêtres. Il décrit le fonctionnement quotidien d’une ambassade, décrypte le fonctionnement de la valise diplomatique, décrit les structures du Ministère des Affaires étrangères et de l’Europe. Une place est accordée à la diplomatie multilatérale, ONU, Union européenne, aux ONG, aux négociations et grands accords et traités. Les Femmes, bien qu’encore peu nombreuses au sommet de la hiérarchie, ne sont pas oubliées. Ainsi, en près d’un millier de pages, le lecteur voyage à travers les siècles, traverse les continents, visite des lieux prestigieux et d’autres qui le sont moins. Tasse de thé fait bon ménage avec sports, archives avec cinéma. L’humour est loin d’être oublié ; le diplomate n’est-il pas l’homme qui se rappelle l’anniversaire d’une femme et qui oublie son âge (Somerset Maugham) ? Pour le diplomate, le dernier mot de l’astuce est de dire la vérité quand on croit qu’il ne la dit pas, et de ne pas la dire quand on croit qu’il l‘a dite (Georges Courteline).

Daniel Jouanneau, Dictionnaire amoureux de la diplomatie, Plon, 2019, 904 pages.

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À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

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