<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Haute tension en mer Rouge

16 février 2024

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : L'USS Carney procède à des tirs de destruction de missiles Houthis. (C) Wikipédia
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Haute tension en mer Rouge

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Haute tension en mer Rouge, les rebelles houtis et l’Iran montrent leur solidarité au Hamas. 

La recrudescence de la tension en Orient et la hausse des niveaux d’alerte terroriste en Europe ont confirmé la crainte de répliques meurtrières de la guerre entre Israël et le Hamas, même loin de Gaza. La région du golfe arabo-persique était particulièrement surveillée. Elle est pourtant restée calme, personne n’ayant intérêt à embraser ces 250 000 km2 vitaux pour l’économie mondiale.

Article paru dans le numéro 50 de mars 2024 – Sahel. Le temps des transitions.

C’est en mer Rouge, 1 500 kilomètres plus à l’ouest, qu’un autre front s’est allumé, à l’initiative des rebelles houthis yéménites, avant-garde des réseaux iraniens dans le monde, à l’instar du Hezbollah libanais. En rébellion contre le pouvoir central (sunnite) depuis 2004, cette milice chiite (40 % de la population yéménite) est entrée à son tour dans la guerre israélo-palestinienne, le 19 octobre, en lançant des attaques de missiles ou de drones vers Israël, à partir des zones qu’elle contrôle.

Cette campagne de harcèlement est coordonnée au plus haut niveau par la République islamique d’Iran. En activant les Houthistes et le Hezbollah, Téhéran affiche sa solidarité avec le Hamas, tout en se gardant d’aller trop loin dans l’escalade militaire. De fait, ces attaques n’ont eu aucun effet sur la situation à Gaza. Elles ont toutefois obligé les États-Unis à s’engager directement dans ce conflit, ce qui est toujours risqué en période électorale. Dès le 19 octobre 2023, le destroyer USS Carney abattait des missiles et des drones tirés du Yémen. Les autres tirs étaient interceptés, au-dessus de la mer Rouge et dans le sud de l’Égypte. À la mi-janvier, une cinquantaine de missiles et deux fois plus de drones avaient été détruits par les marines américaine, saoudienne, britannique et même française – le 10 décembre, la frégate Languedoc abattait deux drones. 

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Encouragés par Téhéran, les Houthistes s’en prennent aussi au trafic dans cette mer qui voit passer 12 % du commerce mondial. Le 19 novembre, ils prenaient d’assaut un navire roulier allemand, le Galaxy Leader, propriété d’un homme d’affaires israélien. Autre incident, le 31 décembre : un porte-conteneurs du groupe danois Maersk était attaqué par des commandos embarqués à bord de petites vedettes rapides. Des hélicoptères américains ripostaient et coulaient trois vedettes (dix morts). 

Ces actes de piraterie confirmaient l’implication directe des services de renseignement iraniens, sans qui les Houthistes ne pourraient lancer seuls ces attaques. Ces combattants ont aussi fait preuve de leur aguerrissement, après huit ans d’une guerre de haute intensité contre l’Arabie saoudite et ses alliés au Yémen. Au 15 janvier, 27 bateaux de commerce avaient été attaqués, contraignant plusieurs transporteurs (comme le français CMA-CGM, le danois Maersk, l’allemand Hapag-Lloyd ou le britannique BP) à éviter la mer Rouge et le détroit stratégique de Bab el-Mandeb. Le contournement de l’Afrique a déjà augmenté les tarifs du fret de 5 à 10 %.  

La nécessité de protéger cette voie maritime a obligé l’Occident à lancer une nouvelle opération multinationale de sécurité, placée sous commandement américain. Cette alliance regroupe 20 pays, dont la France et le Royaume-Uni. Les 11 et 12 janvier, à l’initiative des États-Unis, six membres de cette coalition lançaient une série de frappes directes sur des bases houthistes (sites de radars et de tirs, dépôts de missiles). Avec deux risques : ressouder la population yéménite derrière la milice et faire des victimes parmi les nombreux coopérants iraniens engagés sur place.

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Malgré les coups subis, les Houthistes et leur parrain iranien ont marqué des points dans les opinions arabes. Ils ont démontré leur soutien actif au Hamas, alors que tant d’États arabes ou musulmans restent en retrait. Ils ont aussi prouvé leur savoir-faire militaire, à moindre coût : les drones iraniens qu’ils utilisent coûtent à peine 9 000 euros pièce, soit 150 fois moins cher que les missiles occidentaux de contre-batterie, évalués à 1,4 million d’euros pièce ! En activant ses « proxys », l’Iran a surtout montré sa capacité réelle de nuisance sur une voie commerciale stratégique. L’opération de sécurisation en mer Rouge s’appelle d’ailleurs « Gardien de la prospérité ». La pression en mer Rouge est une forme de dissuasion dont la communauté internationale devra tenir compte, dans tout ce qu’elle entreprendra face à l’Iran. 

À propos de l’auteur
Frédéric Pons

Frédéric Pons

Journaliste, professeur à l'ESM Saint-Cyr et conférencier.
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