La marine chinoise poursuit son déploiement en mettant à la mer des porte-avions. Son but est d’atteindre le niveau des États-Unis et de s’imposer sur les mers.
En moins de dix jours, la marine chinoise a successivement admis au service actif le 5 novembre le Fujian, son premier véritable porte-avions, et commencé le 14 novembre les essais à la mer du Sichuan, le plus grand porte-hélicoptères/drones au monde. En parallèle, l’APL-M poursuit la construction d’au moins deux porte-avions à propulsion nucléaire. Si la flotte chinoise a dépassé en nombre de coques son opposant de référence, l’US Navy, depuis 2016, elle est toujours en retard en termes de tonnage. C’est la raison pour laquelle elle s’active efficacement à combler ce manque de bâtiments de combat puissants auxquels Henry Kissinger faisait référence quand il disait qu’« un porte-avions, c’est 100 000 tonnes de diplomatie ».
Hugues Eudeline, ancien officier de marine, directeur de recherche à l’Institut Thomas More et auteur de Géopolitique de la Chine. Une nouvelle thalassocratie (PUF, 2024)
La République populaire de Chine, soucieuse de ne pas obérer son développement économique en effrayant ses compétiteurs, est longtemps restée fidèle au mantra prôné par Deng Xiaoping quand il a ouvert son pays aux échanges internationaux en 1978 : « Cachez votre force, attendez votre heure ». Ses successeurs sont restés fidèles à ce principe jusqu’à ce que Xi Jinping accède au pouvoir absolu en 2013. Considérant que son pays, devenu la deuxième puissance économique, était en compétition avec le reste du monde, il devait pouvoir protéger ses intérêts où que ce soit sur l’océan mondial. Les États-Unis d’Amérique sont devenus son adversaire de référence et l’étalon de sa marine de guerre. S’appuyant sur son énorme industrie maritime, la Chine a amorcé le formidable essor de ses forces navales avec un rythme de construction inconnu jusqu’alors.
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Dans le domaine des porte-aéronefs, la Chine a acheté en 2005 à l’Ukraine une coque achevée à 70 % au prétexte d’en faire un casino flottant devant Macao où il n’est jamais arrivé. Elle a été remorquée jusqu’à Dalian où, pendant six années, sa construction a été achevée en faisant l’objet d’une rétro-ingénierie systématique. Les essais du nouveau Liaoning ont été menés tambour battant et le porte-aéronefs (sans catapulte, mais pourvu de brins d’arrêt) a été admis au service actif en 2011. Les plans relevés ont permis de construire une autre unité de conception améliorée, le Shandong, admis au service actif en 2019. Forte des enseignements tirés tant sur le plan industriel que nautiques et aéronautiques, la Chine a lancé en mars 2015 la construction du Fujian, un véritable porte-avions (avec catapultes et brins d’arrêt). Soucieuse de rattraper son retard, elle a développé un modèle de catapulte électromagnétique à l’instar des Américains, dont seul leur dernier bâtiment, l’USS Ford, est doté.
C’est ce même Fujian, un bâtiment de 80 000 tonnes qui a été admis au service actif le 5 novembre 2025. Plus grand bâtiment de guerre jamais construit en Chine, il embarque des chasseurs J-15B et J-35 (de cinquième génération) ainsi que des avions de guet aérien KJ-600. Le Fujian, basé à Yulin comme le Shandong, devrait être rattaché à la flotte du sud de l’APL-M, dont la zone de responsabilité comprend la mer de Chine méridionale et le détroit de Taïwan.
En complément de la force de projection de puissance constituée des bateaux précédemment cités, l’APL-M dispose d’une flotte importante de bâtiments de projection de forces destinés en particulier à la prise de Taïwan et à la conquête de la « première chaîne d’îles » qui longe les côtes de la Chine et dont aucune ne lui appartient. Le Sichuan, qui vient de commencer ses essais à la mer, est la première unité de ce type et celle dont le déplacement est le plus important. Comparable à ceux dont dispose l’US Navy, comme l’USS America, son groupe aérien est encore inconnu à ce jour. Il serait doté d’une catapulte électromagnétique et de brins d’arrêts. Son pont d’envol rectangulaire mesure environ 260 m de long sur 52 m de large, ce qui en fait le plus grand des porte-hélicoptères ou drones d’assaut au monde. Le Sichuan dispose également d’une porte arrière et d’un radier pour la mise à l’eau et la récupération d’engins de débarquement. Le bâtiment a été construit dans la nouvelle extension du chantier naval de CSSC Hudong Zhonghua sur l’île de Changxing, illustrant les puissantes économies d’échelle générées par l’intégration de l’industrie navale civile et militaire en Chine.
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L’influence de la Chine dans les outre-mer

HONG KONG, 3 octobre 2025 (Xinhua) — Le navire Yimengshan de la marine de l’Armée populaire de libération (APL) lève l’ancre au quai de la base navale de l’île des Tailleurs de Pierre à Hong Kong, dans le sud de la Chine, le 3 octobre 2025. (C) SIPA
Des bateaux construits dans des temps records
Ces bateaux de fort déplacement sont construits en des temps record alors que les chantiers navals américains pâtissent de problèmes de qualité, de maîtrise des coûts et manquent de main-d’œuvre qualifiée. Le Sichuan est passé de la pose de la quille aux essais en mer en 25 mois, là où il en aura fallu 53 pour le bâtiment américain comparable, l’USS America. La Chine rattrape progressivement et inéluctablement son retard en tonnage cumulé sur l’US Navy. Elle mène la conception technique en alliant rétro-ingénierie, recherche, développement et innovation duale.
Si les prouesses technologiques sont impressionnantes, le potentiel militaire d’une marine dépend aussi de la valeur des équipages, de la qualité des installations, des besoins de maintenance et de l’efficacité de la logistique. Pour l’instant, ces éléments sont mal connus pour l’APL-M. Pour autant, preuve de l’inquiétude que suscitent ces grandes unités : la Corée du Sud et le Japon ont annoncé vouloir se doter de sous-marins nucléaires d’attaque, leur principal prédateur.









