<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La politique fiscale de Macron II

4 août 2022

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux journalistes, mardi 5 juillet 2022, au palais de l'Élysée à Paris. Crédits : Thomas Hubert/SIPA

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La politique fiscale de Macron II

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Les promesses électorales en matière fiscale engagent souvent ceux qui les tiennent. Il en a été ainsi, lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, pour le meilleur (citons l’adoption de la flat tax de 30 % sur la partie mobilière des revenus du capital et des plus-values, ou encore la diminution de 33,33 à 25 % du taux de l’impôt sur les sociétés) et pour le pire (mentionnons la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale, qui sera totale en 2023, tout à la fois au détriment des résidents secondaires et des propriétaires immobiliers, mais également des élus locaux, dont l’autonomie fiscale était déjà fort limitée). Qu’en sera-t-il pour le second quinquennat ?

« Stabilité » : le mot fut quatre fois répété par le président-candidat dans un entretien accordé au quotidien Les Échos à quelques jours du premier tour[1]. L’absence de réforme d’ampleur du système fiscal ne fait pas que refléter une société ankylosée. Interférant avec les décisions que nous prenons (investir, se former, choisir un métier, fonder une famille, etc.), les réformes fiscales et les règles nouvelles qu’elles introduisent constituent des « chocs » susceptibles de bouleverser la pertinence de nos décisions passées. Il est alors préférable qu’elles soient les plus rares, les plus réfléchies et les plus adaptées possible. Le programme fiscal du président-candidat Macron comprenait toutefois quelques mesures. Passons en revue certaines d’entre elles.

Dans le prolongement du plan de relance mis en œuvre en 2021, Emmanuel Macron s’est engagé à poursuivre la baisse des impôts frappant les facteurs de production, via notamment la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Le budget 2021 avait déjà supprimé la part régionale de la CVAE (soit une baisse d’impôt pour les entreprises de 9,8 milliards d’euros, et une CVAE ainsi divisée par deux). La proposition du président-candidat Macron est en fin de compte l’extension de la réforme de 2021 aux autres échelons de collectivités locales. Parmi les quelque 100 milliards d’impôts de production, les 19,5 milliards ponctionnés au titre de la CVAE ne sont sans doute pas les plus défavorables à l’activité économique. Surtout, pour chaque entreprise, la CVAE est liquidée au niveau national avant d’être répartie entre les collectivités locales, essentiellement au prorata des effectifs des établissements qui s’y trouvent installés. L’action des élus locaux pour attirer ou, au contraire, repousser les activités créatrices de potentiel fiscal est donc décisive, et constitue en ce sens un facteur d’autonomie responsabilisant, qu’il est regrettable d’écorner.

Plusieurs mesures intéressent directement les particuliers. Notons, outre l’extension aux concubins du quotient conjugal aujourd’hui réservé aux couples mariés ou pacsés, la suppression annoncée de la « redevance audiovisuelle » (dénommée en droit « contribution à l’audiovisuel public », la CAP n’ayant rien d’une redevance, mais tout d’un impôt, les 138 euros réclamés l’étant indépendamment de toute « contrepartie directe »). Il est intéressant de se pencher sur l’un des objectifs affichés, à savoir « redonner du pouvoir d’achat ». Car, en substituant à périmètre constant un « budget pluriannuel de l’audiovisuel public » à la future ex-contribution[2], la promesse occulte qu’elle n’est finalement que le transfert d’un prélèvement identifié (la contribution à l’audiovisuel public) vers un ou plusieurs autres, de façon certes plus diffuse, mais non moins nécessaire pour alimenter à due concurrence ledit budget.

Disons un mot enfin des ajustements annoncés en matière de droits de succession. Outre le relèvement de 100 000 à 150 000 euros de l’abattement en ligne directe, bienvenu quoique timide eu égard à la hausse du patrimoine moyen et à l’augmentation des prix de l’immobilier, Emmanuel Macron s’est engagé à relever les abattements applicables en ligne collatérale et entre non-parents (ils sont aujourd’hui de moins de 16 000 euros pour les frères et sœurs, de moins de 8 000 euros pour les neveux et nièces, et d’à peine 1 600 euros pour les autres héritiers) et à les rendre uniformes (100 000 euros). C’est là un pas opportun vers une plus grande neutralité fiscale, et un plus grand respect accordé à la volonté des défunts.

[1] Les Échos, « Présidentielle 2022 : le programme fiscal d’Emmanuel Macron (LREM) », 6 avril 2022.

[2] Franceinfo, « Présidentielle 2022 : Emmanuel Macron veut remplacer la redevance (sic) audiovisuelle par un budget pluriannuel », 22 avril 2022.

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux journalistes, mardi 5 juillet 2022, au palais de l'Élysée à Paris. Crédits : Thomas Hubert/SIPA

À propos de l’auteur
Victor Fouquet

Victor Fouquet

Doctorant en droit fiscal. Chargé d’enseignement à Paris I Panthéon-Sorbonne. Il travaille sur la fiscalité et les politiques fiscales en France et en Europe.
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