La visite officielle de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en Inde fin février 2025, accompagnée du Collège des commissaires, s’inscrit dans une tentative de redéfinir les relations stratégiques de l’Union européenne à l’heure où l’ordre mondial vacille.
Entre un conflit prolongé en Ukraine, un protectionnisme américain revigoré par Donald Trump, et les ambitions chinoises en Asie-Pacifique, Bruxelles cherche à diversifier ses alliances. L’Inde, démocratie foisonnante et économie en pleine ascension, coche toutes les cases du partenaire stratégique idéal.
L’Inde à l’équilibre
L’Union européenne perçoit en New Delhi un contrepoids crédible aux tensions multipolaires. Les deux puissances partagent des intérêts convergents dans des domaines aussi variés que le commerce, la sécurité maritime, la transition énergétique ou l’intelligence artificielle. Cette dynamique bilatérale repose sur une conviction commune : les défis mondiaux exigent des coopérations ambitieuses et pragmatiques.
Trois axes structurent cette ambition : commerce et technologie, défense et sécurité, connectivité et influence globale. Au cœur de l’équation, l’accord de libre-échange (ALE) Inde-UE, relancé en 2021 après une interruption de huit ans. Neuf cycles de négociation plus tard, les deux camps tentent d’accélérer les pourparlers pour conclure, d’ici fin 2025, ce qui pourrait devenir l’accord commercial bilatéral le plus vaste jamais conclu.
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L’UE est déjà le premier partenaire commercial de l’Inde, avec 124 milliards d’euros d’échanges de biens en 2023. Quelque 6 000 entreprises européennes opèrent dans le pays, générant des millions d’emplois. Mais le marché indien demeure protégé : barrières tarifaires élevées, normes techniques complexes, et divergences sur la propriété intellectuelle alimentent les tensions. Bruxelles exige un abaissement de ces obstacles. En retour, New Delhi espère des investissements accrus dans les infrastructures, les technologies vertes et les semi-conducteurs, ainsi qu’une meilleure mobilité pour ses travailleurs qualifiés.
New Delhi multiplie les partenariats commerciaux
Ce regain d’engagement survient alors que l’Inde multiplie les accords commerciaux : Émirats arabes unis, Australie, AELE, et discussions avancées avec le Royaume-Uni, les États-Unis ou encore le CCG. L’Union européenne, si elle ne veut pas se laisser distancer, doit proposer une offre à la hauteur des ambitions indiennes. Le compromis réside sans doute dans un accord progressif, réciproque et orienté vers les citoyens.
Au-delà des chiffres, cette alliance s’inscrit dans une vision plus large : faire de l’Inde un pilier de la stratégie indo-pacifique européenne et un acteur central du corridor IMEC reliant l’Asie à l’Europe via le Moyen-Orient. Dans un monde fragmenté, le partenariat stratégique UE-Inde offre une rare combinaison de réalisme géopolitique et d’intérêts partagés. Il pourrait bien redessiner les contours de la puissance au XXIème siècle.
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