Inde et États-Unis coopèrent dans la défense

15 novembre 2025

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Soldats indiens et américains durant un exercice militaire commun en haute altitude, 2022. (C) SIPA

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Inde et États-Unis coopèrent dans la défense

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Inde et États-Unis déploient leur diplomatie pour coopérer dans le cadre de la défense. Une coopération économique et stratégique.

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« Ce nouveau cadre de défense décennal que nous avons signé est ambitieux (…). Il s’agit d’une étape importante pour nos deux armées, d’une feuille de route pour une collaboration plus approfondie et encore plus significative à l’avenir »¹ ; « Nous renforçons notre coordination, notre partage d’informations et notre coopération technologique. Nos liens en matière de défense n’ont jamais été aussi solides »².
« Je pense qu’un nouveau chapitre s’ouvrira aujourd’hui avec la signature du Cadre de Défense… Je suis convaincu que sous votre direction, les relations entre l’Inde et les États-Unis se renforceront encore davantage »³ ; « C’est le signe de notre convergence stratégique croissante et cela annonce une nouvelle décennie de partenariat »⁴.

Le Framework for the US-India Major Defence Partnership : un signal fort

En ce 31 octobre, aux mots très appuyés du Secrétaire américain à la guerre Pete Hegseth (1er paragraphe) répondaient, sur une note consensuelle (paragraphe ci-dessus), l’enthousiasme manifeste du ministre indien de la Défense, Rajnath Singh, dans la foulée de la conclusion d’un ambitieux Cadre décennal pour le partenariat majeur entre les États-Unis et l’Inde en matière de défense (10 years Framework for the US-India Major Defence Partnership) paraphée dans la capitale malaisienne (Kuala Lumpur) en marge d’un forum régional dédié aux questions de défense (le 12ᵉ ASEAN Defence Ministers’ Meeting – Plus).

Un aboutissement en soi, quelques huit mois après la dernière visite du Premier ministre indien Narendra Modi à la Maison-Blanche – et une météo diplomatique parfois orageuse entre Washington et New Delhi –, témoignant de la pérennité des rapports contemporains États-Unis – Inde et de leur ambitieuse trajectoire à venir commune, peu importante en chemin l’irruption de quelques sujets de divergences.

Quelques jours plus tôt (27 octobre), le chef de la diplomatie indienne Subrahmanyam Jaishankar rencontrait son homologue d’outre-Atlantique Marco Rubio pour échanger sur un large éventail de problématiques s’étirant du champ bilatéral aux enjeux globaux, témoignant d’un dialogue stratégique continu et vigoureux (Ravi d’avoir rencontré @SecRubio ce matin à Kuala Lumpur. J’ai apprécié la discussion sur nos relations bilatérales ainsi que sur les questions régionales et mondiales⁵), entretenu par Washington et New Delhi par-delà certaines fâcheries (questions tarifaires et énergétiques notamment), sensibles certes, mais non rédhibitoires en soi.

Entre les 1ʳᵉ et 5ᵉ économies mondiales, une coopération de défense aux fondements solides

Bien sûr, Washington et New Delhi n’ont pas attendu cet automne 2025 pour esquisser une trame bilatérale solide dans la sensible sphère de la coopération de défense. Pour rappel, à l’été 2013, les deux premières démocraties de la planète (en termes d’individus inscrits sur les listes électorales) convenaient d’une Joint US-India Declaration on Defence Cooperation suivie deux ans plus tard d’un 2015 Framework for the US-India Defence Relationship institutionnalisant leur rapprochement en la matière. Entre 2016 et 2024 s’additionneront quatre strates d’accords supplémentaires consolidant et diversifiant l’édifice américano-indien⁶.

Tout récemment, cette coopération de défense indo-américaine s’est vérifiée sur le terrain, de diverses manières et en différents lieux : avec l’escale fin août dans le port de Chennai (capital du Tamil Nadu indien) de l’USS Frank Cable (un navire américain de soutien aux sous-marins), pour son second séjour indien en deux ans. Puis le mois suivant, en Alaska, lorsque les troupes américaines et 450 soldats indiens participaient ensemble, deux semaines durant, à l’exercice Yudh Abhyas⁷ (1ᵉʳ-14 septembre) à Fort Wainwright, « un des piliers de la coopération militaire entre l’Inde et les États-Unis ».

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Pendant ce temps-là, sur le fébrile théâtre Inde – Chine…

Alors même que les responsables indiens et américains de la diplomatie et de la Défense faisaient en Asie du Sud-Est montre de leur proximité, à quelques 6000 km de-là (par la route), au Ladakh, sur la Line of Actual Control (LAC) sino-indienne, par 4900 mètres d’altitude (!), se tenait au poste frontière montagneux de Chushul-Moldo la 23ᵉ réunion entre les commandants des corps d’armée indien et chinois, lors de laquelle « les commandants ont convenu que la paix et la tranquillité avaient été maintenues dans les zones frontalières entre l’Inde et la Chine. Les deux parties ont convenu de continuer à utiliser les mécanismes existants pour résoudre tout problème sur le terrain le long de la frontière afin de maintenir la stabilité »⁹.

Du côté de Pékin, le ministère chinois de la Défense nationale considérait quant à lui que les deux parties avaient « engagé des discussions positives et approfondies sur la gestion et le contrôle le long du secteur occidental de la frontière sino-indienne » (29 octobre).

Soldats indiens et américains durant un exercice militaire commun en haute altitude. État de Uttarakhand, Inde, 2022. (C) SIPA

Duplicité et confusion

Et pourtant. De manière concomitante, divers médias¹⁰ confirmaient, images satellite à l’appui, une activité parallèle chinoise infiniment plus préoccupante dans ces sensibles confins montagneux sino-indiens : près du lac Pangong, distant à peine d’une centaine de kilomètres de la vallée de Galwan (territoire de l’Union indienne du Ladakh) où des affrontements transfrontaliers violents avaient opposé en juin 2020 des soldats indiens et chinois, la construction de nouvelles infrastructures militaires chinoises (bâtiments de commandement et de contrôle, casernes, hangars à véhicules, entrepôts de munitions et postes radar), irait semble-t-il bon train…

De quoi bien sûr légitimement interpeller – sinon inquiéter à bon droit – les autorités indiennes et les observateurs extérieurs sur les véritables intentions à terme de Pékin ; dans la région et bien au-delà.

Et c’est donc on ne peut plus opportunément qu’un communiqué de presse du ministère indien de la Défense (1ᵉʳ novembre) informe ses administrés, la communauté internationale au sens large et certains voisins en particulier, que « Le Secrétaire (américain) à la Guerre considère l’Inde comme un pays prioritaire pour les États-Unis en matière de coopération dans le domaine de la défense et que les États-Unis d’Amérique s’engagent à travailler en étroite collaboration avec l’Inde pour garantir un Indo-Pacifique libre et ouvert »¹¹.
À bon entendeur.

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¹ South China Morning Post, 31 octobre 2025.
² Post sur le réseau social X, 31 octobre.
³ The Economic Times, 31 octobre 2025.
⁴ Post sur le réseau social X, 31 octobre.
⁵ Post du ministre indien des Affaires étrangères sur son compte X, 27 octobre 2025.
⁶ Accords : LEMOA (2016), COMCASA (2018), BECA (2020) et SOSA & MOA.
⁷ The Indian Express, 1ᵉʳ novembre 2025.
⁸ Ambassade de l’Inde à Washington, 4 septembre 2025.
⁹ Communiqué du ministère indien des Affaires étrangères.
¹⁰ India Today, tibetanreview.net.
¹¹ Communiqué du ministère indien de la Défense, 1ᵉʳ novembre 2025.

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Olivier Guillard

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