Accord entre la Chine et l’Iran : un changement capital ?

6 avril 2021

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Photo : Accord entre la Chine et l'Iran. Source: Shutterstock
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Accord entre la Chine et l’Iran : un changement capital ?

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Selon l’ancienne diplomate Hua Liming, Pékin faisait jusqu’ici preuve de prudence dans ses relations avec la République islamique, pour éviter de contrarier Washington. Les deux parties ont salué le nouvel accord, qui comprend des accords sur l’approvisionnement en énergie et la sécurité.

 

Shi Jiangtao, South China Morning Post, 28 mars 2021.

Traduction Alban Wilfert pour Conflits

 

L’ancien ambassadeur de la Chine à Téhéran a déclaré que l’accord conclu par la Chine avec l’Iran pour une durée de 25 ans témoigne d’un changement de stratégie au Moyen-Orient, à l’heure où les relations avec les États-Unis se détériorent.

 

Face à la pression croissante exercée par les États-Unis, la Chine et l’Iran ont signé le pacte de coopération énergétique, économique et sécuritaire la semaine dernière.

 

« L’accord et le voyage de Wang Yi [le ministre des Affaires étrangères] marquent un changement capital sur le plan des relations de la Chine avec l’Iran et la région », a déclaré Hua Liming, ancien ambassadeur de Chine à Téhéran.

 

Consciente de la délicatesse de la question iranienne pour les États-Unis, la Chine avait pris garde à tout rapprochement avec la République islamique depuis l’établissement de liens officiels avec Washington en 1979, selon Hua, qui a été l’envoyé de Pékin à Téhéran de 1991 à 1995.

 

« Depuis l’administration Carter, les États-Unis ont régulièrement rappelé à la Chine ses relations avec l’Iran, qui étaient considérées par les Américains comme un obstacle à la relation entre les États-Unis et la Chine. Mais avec les changements fondamentaux intervenus dans les relations sino-américaines ces derniers mois, cette époque est révolue », a-t-il déclaré.

 

Les deux parties ont salué l’accord signé entre Wang et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif samedi.

 

« A l’heure du 50e anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, les liens entre la Chine et l’Iran se trouvent à un nouveau point de départ historique », a déclaré M. Wang selon l’agence de presse étatique Xinhua.

 

Il a ajouté que la Chine était prête à travailler avec l’Iran pour ouvrir de nouvelles frontières de coopération dans l’intérêt des deux peuples, et pour la paix et le développement dans le monde.

 

« Peu importe les changements de la situation internationale et régionale, la Chine maintiendra inébranlablement ses politiques amicales envers l’Iran », a déclaré M. Wang.

 

Zarif a qualifié la Chine d’« ami dans les moments difficiles », ajoutant dans un communiqué : « Nous remercions la Chine pour ses positions et ses actions précieuses dans une période de sanctions cruelles contre l’Iran. »

 

Lors d’une rencontre avec Wang avant la signature, le président iranien Hassan Rohani a déclaré que l’accord « clarifierait davantage la feuille de route de la coopération future entre les deux pays », selon Xinhua. Il a remercié la Chine pour son soutien sur la question nucléaire et a déclaré que l’Iran espérait renforcer sa coopération avec la Chine dans la lutte contre la pandémie de Covid-19 et le terrorisme.

 

Renforcer la coopération

 

Les négociations en vue de l’accord ont duré près de cinq ans et peu de détails ont été publiés jusqu’à présent.

 

Selon un rapport du New York Times publié en juillet, la Chine a promis d’investir un total de 400 milliards de dollars au cours des 25 prochaines années pour garantir l’approvisionnement énergétique à long terme de l’Iran et contribuer à la reconstruction de l’économie iranienne, durement touchée par les sanctions américaines.

 

Hua a également confirmé que l’accord consisterait en des dizaines de projets dans le cadre de la « nouvelle route de la soie », dans un large éventail de domaines économiques, culturels, sécuritaires et militaires, notamment le pétrole, le gaz et l’énergie nucléaire.

 

La tournée d’une semaine de M. Wang dans six pays du Moyen-Orient, dont l’Arabie Saoudite et la Turquie, s’inscrit dans le cadre de la confrontation actuelle avec les États-Unis et des efforts du président Joe Biden en vue de constituer un front uni avec ses alliés en Europe et en Asie.

 

En réponse, la Chine a également intensifié ses efforts pour rallier un soutien à l’échelle mondiale, y compris celui auprès de pays traditionnellement considérés comme faisant partie de la sphère d’influence de Washington.

 

Dans une référence masquée aux États-Unis, Wang a dit à Rohani qu’il était « temps de réfléchir sérieusement aux conséquences négatives de l’ingérence extérieure dans les affaires de la région, et d’examiner ensemble des moyens efficaces de maintenir la sécurité et la stabilité régionales à long terme ».

 

Hua, qui a également été ambassadeur aux Émirats arabes unis et aux Pays-Bas, a noté que les importations chinoises de pétrole en provenance d’Iran n’ont eu de cesse d’augmenter ces derniers mois, en dépit des sanctions américaines.

 

Il a ajouté que, en rupture avec la politique du profil bas qui était jusqu’alors celle de la Chine vis-à-vis de l’Iran, Pékin a adopté avec enthousiasme le nouvel accord de 25 ans avec Téhéran.

 

« La Chine et l’Iran souhaitent tous deux promouvoir publiquement leurs liens étroits, en adéquation avec une réalité nouvelle. Comme la Chine se soucie de moins en moins de ce que pensent les États-Unis, ces restrictions essentiellement arbitraires ne nous freineront plus », a-t-il déclaré.

 

La dépendance de l’Iran à l’égard de la Chine n’a fait que croître avec la crise dévastatrice du coronavirus. La Chine reste le premier partenaire commercial de Téhéran, un important fournisseur d’armes depuis les années 1980 et l’un de ses rares alliés face aux sanctions américaines et d’autres puissances régionales comme Israël et l’Arabie saoudite.

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L’ombre perpétuelle des Etats-Unis

 

L’Iran et les États-Unis sont désormais dans une impasse, ne sachant pas qui doit faire le premier pas pour que les États-Unis ne réintègrent l’accord sur le nucléaire iranien. Dans ce contexte, la Chine, qui est elle aussi signataire de cet accord, peut espérer un avantage important si Washington cherche à obtenir une quelconque coopération de Pékin, selon Hua.

 

Dans le même temps, l’ancien ambassadeur de Chine à Riyad, Wu Sike, a déclaré au Shanghai Observer que le voyage de M. Wang visait à l’obtention d’un rôle plus important dans les affaires régionales, notamment en tant que médiateur entre l’Iran et l’Arabie saoudite.

 

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