<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Au pays de la combinazione, Rome cherche à modifier la loi électorale

5 août 2022

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Le Président de la République, Sergio Mattarella, prononce le discours d'ouverture de COOPERA, deuxième édition de la Conférence nationale sur la coopération au développement, à Rome, Italie, le 23 juin. Crédits : Riccardo De Luca/AGF/SIPA
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Au pays de la combinazione, Rome cherche à modifier la loi électorale

par

Francesco De Remigis

Depuis 2008, l’Italie n’a pas eu de Premier ministre en fonction sur la base d’un mandat populaire clair. Bien souvent, c’est le président de la République qui a trouvé des combinaisons pour créer une majorité parlementaire que le système électoral en vigueur n’était pas parvenu à exprimer de manière à permettre au parti ou à la coalition ayant remporté le plus de voix aux élections de gouverner. À cause de ce rôle qui s’est accru au fil des ans, on discute pour la première fois de l’hypothèse de faire élire directement le chef de l’État par les citoyens. Mais jusqu’à présent, le débat n’a pas abouti.

La réélection du président Sergio Mattarella au Quirinal, le 29 janvier 2022, le mieux élu après Sandro Pertini (1978-1985), a relancé le débat sur l’élection directe du chef de l’État. Aujourd’hui, en Italie, ce sont bien les grands électeurs qui votent pour le président de la République, mais la France est considérée comme un modèle d’élection directe. Lorsque Giorgio Napolitano avait été réélu (2013) au Quirinal, il y avait eu au moins deux candidats réellement sur la bonne voie pour l’élection à la tête de l’État. Cette fois, les parties semblent n’avoir même pas vraiment tenté d’indiquer un nom, préférant s’entendre sur la reconfirmation du président sortant pour encore sept ans.

Matteo Renzi est convaincu que l’Italie devrait laisser les citoyens élire le président de la République. L’ancien Premier ministre, aujourd’hui leader d’Italia Viva, petit parti de centre gauche issu d’une scission avec le Parti démocrate, a expliqué que si les citoyens choisissaient directement le chef de l’État, il aurait la possibilité de se présenter comme candidat, de faire campagne, maison par maison, porte à porte, ville par ville, expliquant ce qu’il souhaite faire avec un vrai programme de sept ans. Au lieu de cela, le système très baroque d’aujourd’hui, conçu en 1946-1947, insiste Renzi, est un système qui convenait à un monde qui n’avait pas de télévisions, de réseaux sociaux, d’agences de presse. Ce système était bon, mais c’était pour l’Italie qui sortait du fascisme.

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Soixante-quinze ans plus tard, est-il possible de tourner la page. Et comment ? Mattarella pourrait-il être le dernier président élu par les grands électeurs ? Oui, mais pour cela une réforme constitutionnelle serait nécessaire. Enrico Letta, secrétaire du Pd, s’est dit soulagé par la reconduction de Mattarella, tout en admettant qu’il y ait eu des heurts et des veto croisés souvent incompréhensibles, tant pour les citoyens que pour les analystes. Aucune des deux coalitions n’exprime de majorité. La boussole avec laquelle les électeurs se sont mus était donc celle du campo largo, qui s’est finalement mis d’accord sur le nom de Mattarella. Tous les gouverneurs des régions se sont également rendus au Quirinal (tous font partie des délégations des régions à l’assemblée des grands électeurs). Une épreuve de soutien pour demander à Mattarella de continuer à être le garant de l’unité nationale.

Le président sortant a accepté un second mandat. Cependant, son élection a montré que la géographie politique italienne a changé, notamment dans le « centre », avec lequel aujourd’hui plus que jamais il faut parler. Il semblait clair que le gouvernement Draghi, né du fort rôle d’accélérateur joué par le président Mattarella, n’aurait pas pu rester compact en cas de non-accord sur l’élection du chef de l’État parmi les partis qui composent la majorité qui soutient l’exécutif. Seul, Mattarella bis assurait cette unité. Le ciment a été donné avant tout par la nécessité de mettre en œuvre les réformes Draghi. La reprise économique, le coût des matières premières et de l’énergie, qui freine la relance, ont été immédiatement remis en tête de l’agenda gouvernemental.

S’il n’y a pas de loi qui établisse une nouvelle architecture institutionnelle, qui confère plus de pouvoirs au Quirinal avec l’élection directe du président de la République, il y a l’hypothèse de certains dirigeants (Matteo Renzi et Giorgia Meloni) de travailler pour trouver un carré qui réforme l’architrave italienne actuelle. Mais c’est un long processus qui nécessite un très fort réajustement institutionnel qui a peu de chances d’aboutir au sein de la législature.

La Chambre des députés, en mai dernier, a par exemple abandonné le projet de loi de Fratelli d’Italia (droite) qui aurait introduit le présidentialisme, formellement soutenu par l’ensemble du centre-droit, mais avec une certaine froideur de la part de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi et la Lega de Matteo Salvini. La proposition des Fratelli d’Italia, d’abord signée par Giorgia Meloni, aurait introduit le semi-présidentialisme à la française, un chef de l’État élu directement par les citoyens et avec des fonctions gouvernementales. Une approche qui a incité le Mouvement Cinque Stelle, le Parti démocrate (gauche) et Leu (divers gauche) de rejeter le texte déjà en Commission, le 15 mars. Étant dans l’opposition, la proposition atterrit néanmoins à la Chambre, permettant à Meloni de faire une intervention qui anticipe son programme électoral de 2023 : le présidentialisme « est la mère de toutes les réformes » et sur ce que Fratelli d’Italia demandera l’an prochain le vote des Italiens.

Difficile entente des partis politiques

Au-delà des déclarations de soutien au projet de loi Meloni, les partis de Salvini et de Berlusconi n’ont pas voulu aider Meloni, également parce qu’il n’y aurait pas de temps pour une réforme constitutionnelle. En revanche, une petite réforme constitutionnelle a été approuvée en première lecture qui abroge l’assiette régionale pour l’élection du Sénat : née à l’époque de la majorité jaune-rouge, tout juste comme un contrepoids à la coupe des sièges au Parlement, cette réforme favorise les petits et moyens partis politiques, qui paieront le prix fort de la diminution des parlementaires. Le centre-droit a voté contre, car la réforme est considérée par la Lega comme « le signe avant-coureur d’une réforme électorale à la proportionnelle ». L’hypothèse « proportionnelle » trouve des partisans passionnés au centre-gauche. Le secrétaire adjoint du Parti démocrate Peppe Provenzano invoque la proportionnelle, car « elle ne sert pas à avoir les mains libres, mais à reconstruire un système partisan solide que nous n’avons pas su mettre en place depuis l’effondrement de 1992-1993 ». Pour le ministre Roberto Speranza, secrétaire d’Articolo Uno, la loi électorale proportionnelle revient à revenir à la démocratie de parti et à clore définitivement la « saison anti-politique ».

Jusqu’à présent, la question de la gouvernance a prévalu, ce qui a généré les soi-disant « prix de la majorité », c’est-à-dire que celui qui gagne doit pouvoir gouverner sans entrave excessive de l’opposition pendant toute la durée de la législature. Mais même les différents écarts de pourcentage dans un système mixte n’ont pas été en mesure de le garantir.

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