La période où l’Arctique était une zone de faible tension géopolitique est révolue. Les pays nordiques doivent unir leurs forces pour protéger au mieux leurs intérêts dans une région de plus en plus importante sur le plan géostratégique.
Maintenant que la realpolitik et la politique de puissance font leur grand retour dans la politique internationale, l’importance géostratégique des régions nordiques – à mesure que la glace fond – est plus cruciale que jamais. Avec les récentes déclarations de Trump sur le Groenland, la vulnérabilité potentielle de l’Islande et la position géographique délicate du Svalbard, l’enjeu pourrait potentiellement se révéler immense pour les pays nordiques.
En tant que puissances arctiques naturelles à une époque marquée par une incertitude géopolitique croissante, les pays nordiques ne peuvent plus se fier aux solutions de sécurité d’hier pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain. Le moment est donc venu de repenser – et d’agir – pour protéger au mieux les intérêts des pays nordiques dans une période de plus en plus troublée.
Il existe désormais un large consensus politique en Scandinavie sur la nécessité d’augmenter les investissements dans les capacités militaires maritimes, mais cela doit se faire dans un cadre nordique plus large et en tenant compte du contexte géopolitique plus vaste : il est donc temps de mettre en place une flotte pan-nordique permanente dans l’Atlantique Nord et les eaux arctiques.
Une flotte pan-nordique permanente, opérant régulièrement dans la mer du Groenland, la mer de Norvège, la mer de Barents et l’océan Arctique, pourrait servir plusieurs objectifs géopolitiques. Elle enverrait un message clair aux grandes puissances mondiales que les pays nordiques prennent la sécurité militaire au sérieux et qu’ils sont prêts à défendre leur souveraineté ainsi que leurs intérêts dans les régions nordiques – y compris par la force militaire si nécessaire.
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Une position commune nordique dans l’Arctique
Les marines nationales nordiques ont diverses limites en ce qui concerne leur capacité de frappe si elles agissent seules, mais, ensemble, elles pourraient potentiellement former une force que personne ne pourrait ignorer – même pas les États les plus puissants. Un renforcement de l’intégration entre les marines nordiques améliorerait également l’efficacité, en évitant le chevauchement des capacités militaires et en garantissant la puissance de frappe la plus élevée possible pour chaque couronne investie.
En tant que pays nordiques détenant le plus grand contrôle sur des territoires arctiques – et ayant par conséquent le plus à perdre dans les régions nordiques –, les marines du Danemark et de la Norvège devraient former l’ossature d’une flotte pan-nordique intégrée. La Norvège, qui a à la fois le plus à défendre et les ressources financières les plus importantes, devrait assumer la responsabilité principale des investissements nécessaires pour rendre la flotte opérationnelle et efficace.
Même si la principale préoccupation sécuritaire de la Suède et de la Finlande se situe dans la mer Baltique, elles ont tout intérêt à soutenir la création d’une telle flotte pan-nordique de l’Atlantique et devraient contribuer avec du matériel militaire naval pertinent. Même les micro-États nordiques – l’Islande, les îles Féroé et le Groenland – devraient trouver leur place : l’Islande, qui n’a pas de marine militaire, peut fournir des navires de garde-côtes ou tout autre équipement pertinent, tandis que les îles Féroé et le Groenland peuvent apporter du personnel.
Utilité géopolitique
Outre l’effet symbolique considérable de l’unité nordique, tant pour les amis que pour les rivaux, une telle flotte commune pourrait atteindre plusieurs objectifs géopolitiques cruciaux. De manière générale, elle contribuerait à persuader les Américains que les pays nordiques prennent au sérieux leurs préoccupations quant à la volonté et la capacité de protéger le flanc nord de l’OTAN.
Plus précisément, elle permettrait de renforcer la surveillance des eaux groenlandaises afin de contrer l’augmentation de la présence militaro-navale russe et chinoise dans la région – affaiblissant ainsi l’argument principal de Trump pour revendiquer le contrôle de l’île. La flotte exercerait également un effet dissuasif contre une éventuelle agression russe – non seulement à l’encontre du Svalbard, qui pourrait potentiellement être la Crimée arctique de la Norvège, mais aussi dans les zones frontalières avec la Russie en Finnmark oriental et en Finlande du Nord.
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La valeur géopolitique d’une flotte nordique commune est évidente. Néanmoins, il reste à voir si nos dirigeants politiques sont prêts à prendre une mesure aussi ambitieuse et tournée vers l’avenir. Si les pays nordiques veulent vraiment défendre leurs intérêts dans l’Arctique – avant que d’autres acteurs ne prennent l’initiative et, dans le pire des cas, ne nous évincent d’une partie du monde de plus en plus stratégique –, il faut agir dès maintenant !